Le 5e congrès mondial sur la sclérodermie systémique s’est déroulé à Bordeaux du 15 au 17 février 2018.
Au programme, une cinquantaine de communications orales, plus de 350 communications affichées, des Workshops, des sessions destinées aux patients, et 4 symposium satellite.
Les travaux présentés lors de ce congrès font l’objet d’un numéro spéciale de la revue Journal of Scleroderma and Related Disorders : Volume 3 number 1S 2018 pp.1-284.
Les membres du GFRS vous proposent une sélection de résumés de certains travaux originaux qui ont été présentés à cette occasion.
Pr Christian Agard
Pneumopathie interstitielle de la sclérodermie :
Une étude italienne s’est intéressée à la signification des adénopathies thoraciques chez les patients sclérodermiques avec atteinte pulmonaire interstitielle (Rotondo et al., communication orale n°4). Chez 65 patient ayant un suivi pneumologique régulier, ils ont observé l’apparition d’une pneumopathie interstitielle dans 64% des cas, en moyenne à 11,8 ans du diagnostic initial de sclérodermie. La présence d’adénopathies thoraciques été notée chez 62% des patients et les auteurs ont trouvé que ces adénopathies étaient prédictives de l’apparition d’une pneumopathie interstitielle. Ces adénopathies étaient en particulier indépendantes de l’existence d’une HTAP. Les auteurs concluent que les adénopathies thoraciques pourraient représenter un signe précoce dans la pathogénie de la PID de la sclérodermie. Ils ont par ailleurs mis en évidence des aspects de nodules pulmonaires qu’ils considèrent comme étant marqueurs de sévérité.
HTAP de la sclérodermie :
Une analyse posthoc de l’étude AMBITION a été présentée (Kuwana et al. CO n°5). On rappelle que cette étude avait pour objectif de comparer la combinaison Ambrisentan+Tadalafil versus la monothérapie par Ambrisentan ou Tadalafil dans l’HTAP. 216 patient avaient une connectivite, dont 137 avait une sclérodermie. Dans le groupe recevant la combinaison d’emblée, le risque de déterioration clinique était réduit de 52% par rapport au groupe recevant une monothérapie. Cette réduction de risque était de 54% dans le groupe des patients sclérodermiques. La combinaison d’emblée était également plus efficace en terme d’amélioration du NT pro BNP, du test de marche de 6 minutes, à la semaine 24. Les effets secondaires (œdème, céphalées, diarrhée en particulier) étaient un petit peu plus fréquents dans le groupe recevant la combinaison de traitement. Au total, ces données vont dans le sens d’une efficacité et d’une tolérance comparables chez les patients ayant une HTAP associée une connectivite, qu’il s’agisse d’une sclérodermie ou d’une autre connectivite.
Données pré-cliniques :
La Dipeptidyl-peptidase q4 (DPP4) joue un rôle dans la fibrogenèse. Soare et Al (CO n°09) ont montré une augmentation des fibroblastes DPP 4+ dans le derme scléreux de patients sclérodermiques, mais également dans les modèles murins de fibrose. L’expression de DPP4 peut-être induite par le TGLF béta via Erk. L’inhibition de DPP4 a des effets anti-fibrotiques expérimentaux. Les souris KO pour DPP4 sont davantage résistantes à la fibrose induite par la Bléomycine. Les auteurs concluent que DPP4 est un marqueur d’activation des fibroblastes, mais également 1 élément important dans la fibrogenèse. Les inhibiteurs de DPP4, déjà utilisés comme traitement dans le diabète, pourraient donc être testés dans la sclérodermie.
Des perspectives de développement d’un nouvel inhibiteur du TGF Béta, la molécule AVID200, ont été ont été présentées (O’Connor et al, CO numéro 22). Il s’agit d’un inhibiteur sélectif du TGF béta, bloquant les isoformes 1 et 3. Ces auteurs ont montré une surexpression des isoforme 1 et 3 du TGF béta dans la peau sclérodermique, ce qui n’est pas le cas de l’isoforme TGF béta 2. L’isoforme TGF béta 3 est celle qui est le plus corrélée au score de Rodnan modifié. La molécule AVID200 neutralise les effets du TGF béta 1 et du TGF béta 3, en inhibant l’expression des gènes induits par cette cytokine. Il est prévu d’initier un essai clinique de phase I/II avec la molécule AVID200 début 2018.
Troubles trophiques :
Une étude Française multicentrique s’est intéressée aux ulcères des membres inférieurs au cours de la sclérodermie systémique (Bohelay et al. CO n°20). 45 patient été inclus entre 2008 et 2013. Les ulcères des membres inférieurs étaient en lien avec une insuffisance veineuse (49% des cas), et d’origine ischémique chez 21 patient (dont sept avec une maladie artérielle périphérique). La cicatrisation complète été obtenue dans 60% des cas au bout de 10,3 mois en moyenne. Les rechutes étaient fréquentes. Le pronostic des ulcérations d’origine ischémique était mauvais, avec un taux d’amputation de 28,6%. Les facteurs associés aux ulcérations ischémiques des membres inférieurs,étaient les suivants : Ulcère digital concomitant, sclérose cutanée des pieds.
Thérapeutique :
Des données d’efficacité et de sécurité d’emploi du Rituximab dans la sclérodermie systémique ont été présentées, issues du registre EUSTAR (Elhai et al. CO n°32). Cette étude a inclu 248 patient, d’âge moyen 51 ans, avec une durée d’évolution de 7 ans en moyenne. 150 patients avaient une sclérodermie systémique diffuse, 71% avaient une PID. Il faut noter une proportion importante de patients ayant un syndrome de chevauchement avec une polyarthrite rhumatoïde (26%). Les indications du Rituximab étaient l’atteinte pulmonaire dans 56% des cas, l’atteinte articulaire dans 40% des cas et l’atteinte cutanée dans 30% des cas. Les patients ont été suivis en moyenne 2,4 ans. Sur l’ensemble de l’échantillon, le score moyen de RODNAN a diminué de 15 à 10. Pour les patients avec atteinte pulmonaire, la CVF passait de 56+/-9% à 59+/-12% (P = 0,02). L’atteinte articulaire était significativement améliorée. Le traitement permettait une diminution de la corticothérapie, passant moyenne de 10 mg/jour à 7 mg/jour en moyenne, voire son interruption. En terme de tolérance, les effets secondaires n’étaient pas négligeables, 31%, avec des effets secondaires amenant l’interruption du traitement dans 10% des cas. 76 patients ont présenté un événement infectieux. En conclusion, ces données vont dans le sens d’une efficacité du Rituximab dans l’atteinte cutanée, pulmonaire et articulaire, mais les effets secondaires sont loin d’être négligeables, notamment sur le plan infectieux.