Efficacité et sécurité du nintedanib chez les patients atteints de pneumopathie interstitielle diffuse associée à la sclérodermie systémique et traités par Mycophénolate – une analyse de sous-groupe de l’essai SENSCIS”

K. B Highland et al, Lancet Respir Med 2021 PMID:33412120 doi: 10.1016/S2213-2600(20)30330-1

Résumé par Magali LE BRUN, sous la direction de Brigitte GRANEL, pour le site du GFRS

Contexte
Jusqu’en 2019, la prise en charge standardisée de la pneumopathie interstitielle diffuse de la sclérodermie systémique (PID-ScS) reposait en première ligne sur le mycophénolate mofétil (MMF), avec possibilité d’introduire un autre immunosuppresseur en cas d’échec. Malgré cela, la PID-ScS grève le pronostic de la maladie et demeure une des principales causes de mortalité, en partie parce qu’aucun traitement n’a montré d’efficacité sur la fibrose pulmonaire.
Le nintedanib est une molécule de faible poids moléculaire inhibiteur des tyrosine kinases des récepteurs des facteurs de croissance dérivés des plaquettes (PDGFR), des fibroblastes (FGFR) et de l’endothélium vasculaire (VEGFR). Il bloque la cascade de signalisation intracellulaire de ces facteurs de croissance, et par là-même la prolifération, la migration et la différenciation des fibroblastes et des myofibroblastes pulmonaires.
Les études INPULSIS (2014), INBUILD (2019) et SENSCIS (2019) ont montré l’efficacité du nintedanib sur le déclin de la capacité vitale forcée (CVF) respectivement dans la fibrose pulmonaire idiopathique, les PID fibrosantes chroniques de phénotype progressif et la PID-ScS.

Objectif
Les auteurs ont cherché à évaluer l’efficacité et la sécurité du nintedanib en fonction de la prise du MMF dans la PID-ScS chez les patients de l’étude SENSCIS.

Matériel et méthodes
L’étude SENSCIS était une étude randomisée contrôlée contre placebo en double aveugle. Les critères d’inclusion était un diagnostic de ScS posé depuis moins de 7 ans et de PID depuis moins de 12 mois, une fibrose pulmonaire > 10% avec une CVF> 40%, et un DLCO entre 30 et 89%, une prise de prednisone < 10mg/ jour. Le sous groupe d’intérêt de cette étude comprenait les 279 patients qui prenaient du MMF depuis plus de 6 mois. Ce sous groupe était comparé aux 297 patients de cette étude non traités par MMF.
L’étude SENSCIS évaluait le déclin annuel de la CVF à 52 semaines (critère de jugement principal), la proportion de patients présentant un déclin annuel de la CVF supérieur à 3,3% (critère post-hoc, % de différence considérée significative de l’aggravation respiratoire) et les effets indésirables du nintedanib par rapport au placebo.

Résultats
Une réduction du taux de déclin annuel de la CVF sous nintedanib a été observée dans les 2 sous-groupes : réduction du déclin annuel de la CVF de 26,3 ml en faveur du nintedanib dans le sous-groupe traité par MMF (déclin de – 40,2 ml/an sous nintedanib versus -66,5 ml/an sous le placebo de nintedanib), et de 55,4 ml dans le sous-groupe non traité par MMF (déclin de – 63,9 ml/an sous nintedanib versus -119,3 ml/an sous le placebo de nintedanib). Il n’y avait pas de différence significative d’efficacité du nintedanib en fonction de la prise du MMF (p=0,45). Les auteurs ont montré que la proportion de patients présentant à 52 semaines une aggravation de la CVF supérieure à 3,3% était moindre chez les patients traités par nintedanib que par le placebo de nintedanib, et ce indépendamment de la prise de MMF.
Concernant les effets indésirables tout confondu, ils n’ont pas été plus fréquents chez les patients prenant du nintedanib par rapport au placebo, sans différence significative en fonction de la prise de MMF. L’effet indésirable principalement rapporté par les patients a été la diarrhée (76% des patients sous nintedanib vs 34% sous placebo sans différence significative avec ou sans MMF). Il faut noter toutefois que les patients traités par MMF l’étaient depuis plus de 6 mois, ce qui impliquait une bonne tolérance du traitement.

Conclusion
L’efficacité du nintedanib sur le ralentissement du déclin de la CVF et sa tolérance chez les patients atteints de PID-ScS, sont similaires que les patients soient traités par MMF ou non.
De nouvelles études randomisées sont donc nécessaires afin d’évaluer le traitement par nintedanib et MMF de manière combinée ou séquentielle.
En pratique, chez les patients atteints de PID-ScS, il est possible d’introduire le MMF en première ligne à visée anti-inflammatoire à la phase initiale, puis de rajouter le nintedanib en cas d’évolution fibrosante si le MMF est bien toléré.

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