Données à long terme après un traitement par Rituximab chez les patients atteints de Sclérodermie Systémique

D’après “Long-term outcomes after Rituximab treatment for patients with Systemic Sclerosis” Ai Kuzumi et al, JAMA Dermatology 2023 DOI: 10.1001/jamadermatol.2022.6340

Résumé et analyse par Magali LE BRUN et Supervisé par le Pr Brigitte GRANEL

Contexte
La sclérodermie systémique (ScS) est une maladie auto-immune caractérisée par une vasculopathie et une fibrose excessive cutanée et pulmonaire. Le pronostic de cette maladie est globalement mauvais avec une mortalité de 30% à 10 ans. Peu de traitements ont montré leur efficacité. Bien que la physiopathologie de la ScS soit incomplètement comprise, de nombreux travaux suggèrent que les lymphocytes B (LB) jouent un rôle majeur via la synthèse d’auto-anticorps, la production de cytokines et l’activation d’autres cellules immunitaires.

Le rituximab (RTX) est un anticorps monoclonal chimérique qui déplète les LB circulants en ciblant le CD20, leur antigène spécifique. Utilisé dans d’autres maladies auto-immunes, le RTX entraîne une diminution des immunoglobulines (Ig) sériques.

L’essai clinique DESIRES comportait 2 phases de 24 semaines chacune, la première en double aveugle contrôlée RTX contre placebo et la seconde en ouvert [1]. Cet essai a montré une diminution de la fibrose cutanée chez les patients atteints de ScS traités par RTX. Toutefois, les effets à long terme du traitement et les marqueurs prédictifs de réponse sont inconnus.

Objectif
Les auteurs ont recueilli les données de réponse à long terme et les marqueurs prédictifs de la réponse au traitement chez 29 patients ayant continué à recevoir du RTX après la fin du protocole DESIRES.

Matériel et méthodes
L’étude portait sur 29 des 43 patients ayant terminé l’essai DESIRES (12 ayant refusé de poursuive le RTX, et 2 ayant été perdus de vue durant le suivi). Les patients inclus répondaient aux critères de l’ACR-EULAR 2013 et présentaient un score cutané de Rodnan (mRSS) supérieur à 10, ainsi qu’une atteinte pulmonaire non sévère (capacité vitale forcée CVF > 60%, pas d’hypertension pulmonaire). Ils ne devaient pas avoir reçu de corticothérapie forte dose, d’anti-fibrosant, ou d’immunosuppresseur dans les semaines précédentes.
Les patients étaient suivis pendant 24 semaines après chaque cure de RTX, avec une évaluation régulière des atteintes cutanée et pulmonaire, des résultats de biologie standard ainsi que des taux sériques de KL-6, un marqueur validé dans le suivi de la pneumopathie interstitielle diffuse (PID) de la ScS.

Résultats
Les patients étaient majoritairement des femmes (93%), d’un âge médian de 48 ans, dont 86% avaient une forme cutanée diffuse et 83% présentaient une fibrose pulmonaire sur la TDM. Les patients ont reçu une médiane de 4 cures de rituximab et étaient suivis sur une médiane de 96 (96-120) semaines. Il existait une diminution du mRSS dès la première cure de RTX et une amélioration significative de la CVF prédite dès la 3ème cure, avec dans les 2 cas un maintien de l’efficacité dans le temps (Figure).
Les forts répondeurs (diminution du mRSS de plus de 9 points) avaient reçu plus de cures de RTX que les faibles répondeurs (diminution du mRSS de moins de 8 points), et présentaient un mRSS initial plus élevé ainsi qu’une diminution des taux d’Ig sériques plus marquée. Le taux d’IgA notamment était corrélé à la baisse du mRSS. Un faible taux d’IgM au début de l’étude et lors du dernier suivi était quant à lui associé à une amélioration plus importante de la CVF. On notait enfin une diminution des taux de KL-6 allant dans le sens d’une amélioration de la PID. Les effets indésirables étaient essentiellement infectieux, sans décès rapporté.

Conclusion

Cet article montre que le RTX en cures répétées permet une amélioration de la fibrose cutanée et de la fonction respiratoire chez les patients atteints de ScS, avec un maintien de l’efficacité dans le temps.
Cet effet semble être associé à une diminution des taux d’immunoglobulines sériques, ce qui pourrait permettre de développer un outil prédictif de l’efficacité du RTX chez ces patients.
Cette étude ouvre la voie à des essais cliniques contrôlés de plus fort effectif pour confirmer l’efficacité sur la fibrose cutanée et l’atteinte pulmonaire, valider les facteurs prédictifs de réponse et recueillir les risques infectieux en lien avec les cures répétées du RTX.

[1] Ebata S, Yoshizaki A, Oba K, et al. Safety and efficacy of rituximab in systemic sclerosis (DESIRES): a double-blind, randomised, placebo-controlled trial. Lancet Rheumatol. 2021

Figure : Evolution du score cutané de Rodnan et de la capacité vitale forcée sous rituximab

Taux d’incidence standardisé et facteurs de risque de cancer chez les patients atteints de sclérodermie systémique: données du registre espagnol de sclérodermie (RESCLE)

Résumé par Magali LE BRUN
Supervisé par le Pr Brigitte GRANEL

d’après” Standardized incidence ratios and risk factors for cancer in patients with systemic sclerosis: Data from the Spanish Scleroderma Registry (Registro Español de SCLErodermia, RESCLE)”

Contexte
La sclérodermie systémique (ScS) est une maladie auto-immune conduisant à des lésions vasculaires et une fibrose excessive cutanée et pulmonaire. Les principales causes de mortalité sont l’hypertension pulmonaire (HTP) et la pneumopathie interstitielle diffuse (PID). Toutefois, les progrès réalisés ces dernières décennies dans le dépistage et la prise en charge de ces manifestations ont permis la diminution de la mortalité associée à la ScS, avec comme corollaire une augmentation de la mortalité non liée à la ScS. Il semble exister une augmentation de la prévalence des néoplasies chez ces patients. Plusieurs facteurs de risque de néoplasie ont été identifiés dans la ScS, notamment la présence d’anticorps anti-ARN polymérase III, mais des études épidémiologiques plus précises sont nécessaires afin de pouvoir envisager le développement de programmes de prévention.

Objectif
Les auteurs ont analysé le taux d’incidence standardisé (TIS) de cancer chez les patients avec ScS dans la population espagnole, puis ont cherché à identifier les facteurs de risque de cancer chez ces patients.

Matériel et méthodes

L’étude portait sur les patients du registre observationnel multicentrique (40 hôpitaux) national de la ScS en Espagne (RESCLE). Les patients inclus répondaient aux critères de l’ACR-EULAR 2013 et/ ou aux critères modifiés de LeRoy et Medsger (1988), incluant les patients ne présentant pas d’atteinte cutanée de la ScS. Les données étaient collectées de façon rétrospective jusqu’en 2006, puis de façon prospective jusqu’en 2018. L’étude évaluait l’incidence des cancers et les facteurs de risque imputables dans leur survenue.

Résultats
Parmi les 1930 patients de la cohorte, 206 (soit 10,7%) présentaient un cancer au cours du suivi et 34 (18,9%) des tumeurs ont été considérées comme associées à la ScS. Le risque de cancer était plus élevé chez les patients avec ScS que dans la population générale (TIS 1,48; IC95 [1,36-1,6O]), avec notamment un sur-risque de cancer du sein, du poumon, et hématologique. Les facteurs de risque associés au cancer chez les patients avec ScS étaient l’âge de début plus élevé au diagnostic, la présence d’une PID avec capacité vitale forcée < 70%, et la présence d’une cholangite biliaire primitive (CBP). La présence d’anticorps anti-centromères (ACA) semblait protectrice contre le risque de cancer. Du fait du faible nombre de positivité, l’association avec la présence d’anti-ARN polymérase III n’était pas retrouvée. Les taux de mortalité étaient plus importants chez les patients ScS avec cancer que chez ceux sans cancer, principalement en lien avec des manifestations non liées à la ScS et en premier lieu le cancer (suivi par le sepsis). A l’opposé, les principales causes de mortalité chez les patients ScS sans cancer étaient la PID et l’HTP liées à la ScS.

Conclusion
Le risque de cancer est plus élevé chez les patients avec ScS que dans la population générale, avec notamment une fréquence des cancers du sein, du poumon et hématologiques. Les facteurs de risque identifiés comportent une atteinte interstitielle pulmonaire modérée à sévère et la présence d’une CBP, tandis que les ACA auraient un rôle protecteur. Cette étude montre l’importance de suivre de façon étroite les patients avec ScS notamment ceux avec une PID ou une CBP, étant donné le risque de cancer plus élevé dans cette population.

Efficacité et sécurité du nintedanib chez les patients atteints de pneumopathie interstitielle diffuse associée à la sclérodermie systémique : analyse de sous-groupe en fonction du statut anticorps et du score de Rodnan modifié

Veille Bibliographique pour le site GFRS – Résumé par Magali LE BRUN (sous la direction de Brigitte GRANEL)

D’après “Efficacy and safety of nintedanib in patients with systemic sclerosis associated interstitial lung
disease: Subgroup Analyses by Autoantibody Status and Modified Rodnan Skin Thickness Score”- Masataka Kuwana et al, Arthritis & Rheumatology2022 doi:10.1002/art.41965

Objectif
Les auteurs ont cherché à évaluer l’efficacité et la sécurité du nintedanib en fonction du statut des ATA,
de la forme cutanée et du score de Rodnan modifié, des facteurs connus pour être associés à la
progression de la maladie, chez les patients de l’étude SENSCIS.

Contexte
Jusqu’en 2019, la prise en charge standardisée de la pneumopathie interstitielle diffuse de la
sclérodermie systémique (PID-ScS) reposait en première ligne sur le mycophénolate mofétil (MMF),
avec possibilité d’introduire un autre immunosuppresseur en cas d’échec. Malgré cela, la PID-ScS
grève le pronostic de la maladie et demeure une des principales causes de mortalité, en partie parce
qu’aucun traitement n’a montré d’efficacité sur la fibrose pulmonaire. Les facteurs de risque de
progression suspectés de cette atteinte sont notamment la présence d’anticorps anti-topoisomérase 1
(ATA), l’atteinte cutanée diffuse (dcScS) et un score de Rodnan modifié > 18.
Le nintedanib est une molécule de faible poids moléculaire inhibiteur des tyrosine-kinases des
récepteurs des facteurs de croissance dérivés des plaquettes (PDGFR), des fibroblastes (FGFR) et de
l’endothélium vasculaire (VEGFR). Il bloque la cascade de signalisation intracellulaire de ces facteurs
de croissance, et par là-même la prolifération, la migration et la différenciation des fibroblastes et des
myofibroblastes pulmonaires.
Les études INPULSIS (2014), INBUILD (2019) et SENSCIS (2019) ont montré l’efficacité du
nintedanib sur le déclin de la capacité vitale forcée (CVF) respectivement dans la fibrose pulmonaire
idiopathique, les PID fibrosantes chroniques de phénotype progressif et la PID-ScS.

Nintedanib

Matériel et méthodes
L’étude SENSCIS était une étude randomisée contrôlée contre placebo en double aveugle. Les critères
d’inclusion étaient un diagnostic de ScS de moins de 7 ans et de PID de moins de 12 mois, une fibrose
pulmonaire > 10% avec une CVF qui restait > 40% et un DLCO entre 30 et 89%, et une prise de
prednisone < 10mg/ jour. Les sous groupes d’intérêt de cette étude comprenaient les 350 patients qui
avaient des ATA, les 299 patients avec une dcScS et les 130 patients qui avaient un score de Rodnan
modifié > 18, comparés respectivement aux patients sans ATA, à ceux avec atteinte cutanée limitée
(lcScl) et à ceux avec un Rodnan < 18.
Cette analyse de sous-groupes de l’étude SENSCIS évaluait le déclin annuel de la CVF à 52 semaines
(critère de jugement principal) et la proportion de patients présentant un déclin annuel de la CVF
supérieur à 3,3% (critère post-hoc, % de différence considérée significative de l’aggravation
respiratoire) sous nintedanib par rapport au placebo.

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La cartographie paramétrique par résonance magnétique cardiaque peut détecter une atteinte cardiaque précoce chez les patients atteints de sclérodermie systémique

Résumé par Magali LE BRUN (interne DES de médecine interne-immunologie clinique)  &  Brigitte GRANEL

 Cardiac magnetic resonance parametric mapping can detect early cardiac involvement of patients with systemic sclerosis: M. Purevsuren, M. Uehara, M. Ishizuka, T. Hara, N. Kakuda, T. Tsuji, T. et alEuropean Heart Journal, Volume 42, Issue Supplement_1, October 2021, ehab724.0223, https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehab724.0223

Introduction : La sclérodermie systémique (ScS) est une pathologie auto-immune avec deux formes cutanées : limitée et diffuse. Cette dernière est généralement associée à des atteintes fibrosantes d’organes plus sévères que la forme limitée et son pronostic est moins bon. La place de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) cardiaque avec cartographie paramétrique dans la détection de l’atteinte myocardique précoce chez les patients atteints de ScS n’est pas encore codifiée.

Objectif : Déceler l’atteinte myocardique en IRM cardiaque et évaluer les différences entre les deux formes cutanées.

Méthodes : L’étude a inclus de manière consécutive 57 patients atteints de SSc : 27 formes cutanées diffuses (dScS) et 30 limitée (lScS) qui avaient consulté à l’Hôpital universitaire de médecine de Tokyo entre Juillet 2018 et Février 2021, et qui avaient passé une IRM cardiaque 3T. L’atteinte myocardique a été analysée grâce à l’IRM cardiaque  avec cartographie paramétrique, et comparée aux données cliniques.

Résultats : La  durée moyenne d’évolution de la maladie étaient proches, 4,0±6,5 et 4,4±8,3 ans respectivement chez les patients dScS et lScS. Chez l’ensemble de ces patients l’évaluation de la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) était similaire: 58,8 % chez les patients avec dScS vs 59,6 % chez ceux avec lScS. En revanche les volumes atriaux gauche et droit étaient significativement supérieurs chez les patients avec dScS comparés à ceux avec lScS.

Les valeurs en pondération T1 au sein du septum inter-ventriculaire (SIV) avant et après injection de Gadolinium étaient supérieures chez les patients avec dScS vs lScS : il n’y avait en revanche pas de différence en cartographie du volume extra-cellulaire ni en T2. Ainsi, les valeurs en T1 pré-Gadolinium dans le SIV étaient corrélées positivement avec le ratio E/e’  en échocardiographie-Doppler (*) et avec les taux plasmatiques de BNP, chez les patients avec dScS et l’ensemble des patients avec ScS, mais pas chez ceux avec lScS.

L’analyse de régression logistique multivariée permettait de conclure que la valeur en T1 natif dans le SIV est un facteur prédictif indépendant du rapport E/e’ dans les populations ScS et dScS.

Lors de la construction de la courbe ROC, pour un rapport E/e’ ≥ 14, la valeur seuil en T1 natif est ≥ 1348 ms (AUC 0,762 sensibilité de 80 % et spécificité de 68%). Par ailleurs, les taux de BNP étaient significativement plus hauts chez ces patients en comparaison de ceux avec un T1 natif < 1348 ms.

Conclusion : Les patients avec une dScS avaient des valeurs de T1 non injecté au niveau du SIV plus élevées, et des volumes atriaux gauche et droit plus importants que les patients avec une lScS. Cela suggère que ces patients avaient une atteinte myocardique et une dysfonction diastolique du VG plus sévères, hypothèse qui est soutenue par un rapport E/e’ et des taux de BNP plus élevés chez eux, par rapport aux patients avec lScS. La détection précoce de valeurs élevées en T1 spontané sur le SIV chez les patients atteints de ScS pourrait ainsi prédire la survenue d’événements cardio-vasculaires futurs.

(* ) Le rapport E/e’ est un équivalent du rapport E/A permettant l’évaluation de la fonction diastolique ventriculaire gauche. L’onde E correspond au remplissage précoce passif du VG dépendant du gradient de pression (70% du remplissage total), l’onde A représente le remplissage tardif par la systole atriale. L’onde e’ correspond à la vitesse de déplacement de l’anneau mitral vers le VG en proto-diastole, et dépend uniquement de la capacité de relaxation du VG. Un rapport E/e’ augmenté suppose donc une capacité de relaxation du VG altérée avec dysfonction diastolique.

Magali LE BRUN  & Brigitte GRANEL

Multiple variants of soluble CD146 are involved in Systemic Sclerosis: identification of a novel pro-fibrotic factor. Marie NOLLET, Richard BACHELIER, Ahmad JOSHKON, et al.

Marie NOLLET, Richard BACHELIER, Ahmad JOSHKON, et al.

Arthritis Rheumatol. 2022 Jan 9.doi: 10.1002/art.42063. Online ahead of print.

Résumé par Brigitte GRANEL

Contexte

La sclérodermie systémique (ScS) est une maladie auto-immune caractérisée par une fibrose excessive, un dysfonctionnement immunitaire et des lésions vasculaires. CD146 est une glycoproteine transmembranaire essentiellement exprimée sur le système vasculaire. Elle est impliquée dans la perméabilité vasculaire, l’inflammation et l’angiogénèse. Deux isoformes membranaires de CD146 ont été décrits, un long et un court.

Les auteurs ont préalablement montré que le CD146 soluble (sCD146) pourrait constituer un nouveau biomarqueur de la sévérité de la maladie et que les injections de sCD146 réduisaient la gravité de la pathologie dans un modèle animal de ScS.


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La cartographie paramétrique par résonance magnétique cardiaque peut détecter une atteinte cardiaque précoce chez les patients atteints de sclérodermie systémique

Cardiac magnetic resonance parametric mapping can detect early cardiac involvement of patients with systemic sclerosis

M. Purevsuren, M. Uehara, M. Ishizuka, T. Hara, N. Kakuda, T. Tsuji, T. et al

European Heart Journal, Volume 42, Issue Supplement_1, October 2021, ehab724.0223, https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehab724.0223

Résumé par Magali LE BRUN (interne DES de médecine interne-immunologie clinique) & Brigitte GRANEL

Introduction : La sclérodermie systémique (ScS) est une pathologie auto-immune avec deux formes cutanées : limitée et diffuse. Cette dernière est généralement associée à des atteintes fibrosantes d’organes plus sévères que la forme limitée et son pronostic est moins bon. La place de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) cardiaque avec cartographie paramétrique dans la détection de l’atteinte myocardique précoce chez les patients atteints de ScS n’est pas encore codifiée.

Objectif : Déceler l’atteinte myocardique en IRM cardiaque et évaluer les différences entre les deux formes cutanées.


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Efficacité et sécurité du nintedanib chez les patients atteints de pneumopathie interstitielle diffuse associée à la sclérodermie systémique et traités par Mycophénolate – une analyse de sous-groupe de l’essai SENSCIS”

K. B Highland et al, Lancet Respir Med 2021 PMID:33412120 doi: 10.1016/S2213-2600(20)30330-1

Résumé par Magali LE BRUN, sous la direction de Brigitte GRANEL, pour le site du GFRS

Contexte
Jusqu’en 2019, la prise en charge standardisée de la pneumopathie interstitielle diffuse de la sclérodermie systémique (PID-ScS) reposait en première ligne sur le mycophénolate mofétil (MMF), avec possibilité d’introduire un autre immunosuppresseur en cas d’échec. Malgré cela, la PID-ScS grève le pronostic de la maladie et demeure une des principales causes de mortalité, en partie parce qu’aucun traitement n’a montré d’efficacité sur la fibrose pulmonaire.
Le nintedanib est une molécule de faible poids moléculaire inhibiteur des tyrosine kinases des récepteurs des facteurs de croissance dérivés des plaquettes (PDGFR), des fibroblastes (FGFR) et de l’endothélium vasculaire (VEGFR). Il bloque la cascade de signalisation intracellulaire de ces facteurs de croissance, et par là-même la prolifération, la migration et la différenciation des fibroblastes et des myofibroblastes pulmonaires.
Les études INPULSIS (2014), INBUILD (2019) et SENSCIS (2019) ont montré l’efficacité du nintedanib sur le déclin de la capacité vitale forcée (CVF) respectivement dans la fibrose pulmonaire idiopathique, les PID fibrosantes chroniques de phénotype progressif et la PID-ScS.

Objectif
Les auteurs ont cherché à évaluer l’efficacité et la sécurité du nintedanib en fonction de la prise du MMF dans la PID-ScS chez les patients de l’étude SENSCIS.

Matériel et méthodes
L’étude SENSCIS était une étude randomisée contrôlée contre placebo en double aveugle. Les critères d’inclusion était un diagnostic de ScS posé depuis moins de 7 ans et de PID depuis moins de 12 mois, une fibrose pulmonaire > 10% avec une CVF> 40%, et un DLCO entre 30 et 89%, une prise de prednisone < 10mg/ jour. Le sous groupe d’intérêt de cette étude comprenait les 279 patients qui prenaient du MMF depuis plus de 6 mois. Ce sous groupe était comparé aux 297 patients de cette étude non traités par MMF.
L’étude SENSCIS évaluait le déclin annuel de la CVF à 52 semaines (critère de jugement principal), la proportion de patients présentant un déclin annuel de la CVF supérieur à 3,3% (critère post-hoc, % de différence considérée significative de l’aggravation respiratoire) et les effets indésirables du nintedanib par rapport au placebo.

Résultats
Une réduction du taux de déclin annuel de la CVF sous nintedanib a été observée dans les 2 sous-groupes : réduction du déclin annuel de la CVF de 26,3 ml en faveur du nintedanib dans le sous-groupe traité par MMF (déclin de – 40,2 ml/an sous nintedanib versus -66,5 ml/an sous le placebo de nintedanib), et de 55,4 ml dans le sous-groupe non traité par MMF (déclin de – 63,9 ml/an sous nintedanib versus -119,3 ml/an sous le placebo de nintedanib). Il n’y avait pas de différence significative d’efficacité du nintedanib en fonction de la prise du MMF (p=0,45). Les auteurs ont montré que la proportion de patients présentant à 52 semaines une aggravation de la CVF supérieure à 3,3% était moindre chez les patients traités par nintedanib que par le placebo de nintedanib, et ce indépendamment de la prise de MMF.
Concernant les effets indésirables tout confondu, ils n’ont pas été plus fréquents chez les patients prenant du nintedanib par rapport au placebo, sans différence significative en fonction de la prise de MMF. L’effet indésirable principalement rapporté par les patients a été la diarrhée (76% des patients sous nintedanib vs 34% sous placebo sans différence significative avec ou sans MMF). Il faut noter toutefois que les patients traités par MMF l’étaient depuis plus de 6 mois, ce qui impliquait une bonne tolérance du traitement.

Conclusion
L’efficacité du nintedanib sur le ralentissement du déclin de la CVF et sa tolérance chez les patients atteints de PID-ScS, sont similaires que les patients soient traités par MMF ou non.
De nouvelles études randomisées sont donc nécessaires afin d’évaluer le traitement par nintedanib et MMF de manière combinée ou séquentielle.
En pratique, chez les patients atteints de PID-ScS, il est possible d’introduire le MMF en première ligne à visée anti-inflammatoire à la phase initiale, puis de rajouter le nintedanib en cas d’évolution fibrosante si le MMF est bien toléré.

Tocilizumab in systemic sclerosis: a randomised, double-blind, placebo-controlled, phase 3 trial

« Tocilizumab dans la sclérodermie systémique: un essai de phase 3 randomisé, en double aveugle, versus placebo »

Journal: Lancet Respiratory Medicine

Auteurs : Dinesh Khanna, Celia J F Lin, Daniel E Furst, Jonathan Goldin, Grace Kim, Masataka Kuwana, Yannick Allanore, Marco Matucci-Cerinic, Oliver Distler, Yoshihito Shima, Jacob M van Laar, Helen Spotswood, Bridget Wagner, Jeffrey Siegel, Angelika Jahreis, Christopher P Denton, focuSSced investigators

Lancet Respir Med. 2020 Oct; 8(10):963-974.

doi: 10.1016/S2213-2600(20)30318-0. PMID: 32866440


Résumé par Fanny Mariette et Benjamin Chaigne

Contexte :

L’essai de phase 2 contrôlé randomisé faSScinate, a évalué l’efficacité et la tolérance du TOCILIZUMAB* dans la sclérodermie systémique. Le critère de jugement principal qui était la modification du score cutané modifié de Rodnan (mRSS) à 24 semaines n’a pas été atteint : -3,92 dans le groupe TOCILIZUMAB contre -1,22 groupe contrôle avec une différence de -2,70 [95%IC –5,85 – 0,45], p=0,09. Néanmoins, dans cet essai, moins de patients traités par TOLICIZUMAB ont eu une baisse de la capacité vitale forcée (CVF), probablement en lien avec la réduction de l’expression de gènes associés aux macrophages profibrotiques. L’article résumé ici présente l’essai de phase III foccussced qui fait suite à l’étude faSScinate.

* anticorps monoclonal humanisé inhibiteur du récepteur a de l’interleukine (IL)-6  qui se lie spécifiquement aux fractions soluble et membranaire du récepteur, bloquant la transmission du signal médié par ce récepteur.

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Le treprostinil inhalé dans le traitement de l’hypertension pulmonaire secondaire à une pneumopathie interstitielle

Titre de l’article: Inhaled Treprostinil in Pulmonary Hypertension Due to Interstitial Lung Disease

Auteurs de l’article: Aaron Waxman, M.D., Ph.D., Ricardo Restrepo-Jaramillo, M.D., Thenappan Thenappan, M.D., Ashwin Ravichandran, M.D., Peter Engel, M.D., Abubakr Bajwa, M.D., Roblee Allen, M.D., Jeremy Feldman, M.D., Rahul Argula, M.D., Peter Smith, Pharm.D., Kristan Rollins, Pharm.D., Chunqin Deng, M.D., Ph.D., Leigh Peterson, Ph.D., Heidi Bell, M.D., Victor Tapson, M.D., and Steven D. Nathan, M.D.

Journal: New England Journal of Medicine, Date de publication: 28 janvier 2021

Numéro PMID: 33440084 

Résumé par le Dr. Johanne Liberatore et Dr Benjamin Chaigne

Contexte

L’hypertension pulmonaire (HTP) a été rapportée chez 86% des patients avec une pneumopathie interstitielle. Elle entraîne une réduction de la capacité d’exercice, une diminution de la qualité et de l’espérance de vie. Il n’y a, à ce jour, aucun traitement approuvé pour le traitement de l’HTP secondaire aux pneumopathies interstitielles. Des études pilotes suggèrent

Treprostinil

l’efficacité du treprostinil inhalé, analogue de la prostacycline, dans cette indication. L’objectif de ce travail était d’étudier l’efficacité et la sécurité du treprostinil inhalé dans le traitement de l’HTP du groupe 3.

Matériel et méthodes

Cet essai multicentrique, randomisé 1:1, en double-aveugle, contrôlé contre placebo, conduit sur 16 semaines, a inclus des patients majeurs atteints de pneumopathie interstitielle confirmée scanographiquement, avec une HTP confirmée par cathétérisme cardiaque droit, selon la définition en vigueur sur la période d’étude (PAPm ≥ 25 mm Hg, PAPO≤ 15 mm Hg, résistances vasculaires pulmonaires > 3 unités Wood). Les patients devaient être en capacité de marcher plus de 100m pendant 6 min. Ceux atteints d’une HTP secondaire à une connectivite devaient avoir une capacité vitale forcée (CVF) > 70%. Les patients sous traitement anti-fibrosant (pirfenidone ou nintedanib) devaient recevoir une dose stable de traitement depuis au moins 30 jours. Les patients recevant un traitement spécifique de l’HTP autre que celui à l’étude étaient exclus. Le treprostinil inhalé était administré par un dispositif de nébulisation délivrant 6mg par bouffée. Une dose de traitement correspondait à 3 bouffées, avec une escalade de dose progressive jusqu’à une dose cible de 9 bouffées, 4 fois par jour.

Le critère de jugement principal était la modification de la distance parcourue au test de marche de 6 minutes, entre l’inclusion et après 16 semaines de traitement. Les critères de jugement secondaires incluaient la modification du taux de NT-proBNP et la survenue d’une aggravation clinique, définie comme la survenue d’une hospitalisation pour un évènement cardiopulmonaire, une diminution de la distance de marche de plus de 15% par rapport à l’inclusion, la survenue du décès, ou la nécessité d’une transplantation pulmonaire.

Résultats

326 patients au total ont été randomisés, 163 ont été inclus dans le groupe treprostinil inhalé et 163 dans le groupe placebo. L’âge moyen était de 66,5 ans. 28% étaient atteints de fibrose pulmonaire idiopathique, 22% de connectivite, 11% de pneumopathie interstitielle non spécifique.  Après 16 semaines de traitement, la différence moyenne de la modification de la distance de marche entre les deux groupes était de 31,12m [IC 95%, 16,85 à 45,39 ; P < 0,001] en faveur du groupe de patients traités par trepostinil. On notait une réduction de 15% des taux de NT-proBNP par rapport à l’inclusion dans le groupe de patients traités par trepostinil, contre une hausse de 46% dans le groupe placebo (P<0,001). Une aggravation clinique était constatée chez 33 (22,7%) patients dans le groupe de patients traités par treprostinil inhalé, contre 54 (33,1%) patients dans le groupe placebo [HR 0,61 ; IC 95%, 0,40 à 0,92 ; P=0,04]. Il n’y avait pas de différence sur la qualité de vie ou la saturation en oxygène. Les effets indésirables les plus rapportés étaient une toux (43%), des céphalées (27%), une dyspnée (25%), ou des étourdissements (18%). Ces effets étaient similaires dans les deux groupes. Une irritation pharyngée et des douleurs oropharyngées étaient cependant plus fréquentes dans le groupe de patients traités par treprostinil que dans le groupe recevant le placebo (respectivement 12,3% vs 3,7%, P=0,007 ; et 11% vs 2,5%, P=0,003).

Conclusion

Dans cette étude, le treprostinil inhalé a montré une amélioration du test de marche de 6 minutes chez les patients atteints d’hypertension pulmonaire secondaire à une pneumopathie interstitielle, une réduction des taux de NT-pro BNP et une diminution du risque d’aggravation clinique. Les effets indésirables rapportés étaient peu sévères, et similaires à ceux décrits dans les études antérieures.  Les limites de cette étude étaient sa courte durée et un arrêt précoce de l’essai chez 21% des patients. 

Rôle des microARNs dans la pathogénie de la fibrose et de la vasculopathie de la Sclérodermie systémique

Littérature commentée par Brigitte GRANEL

Henry TW, Mendoza FA, Jimenez SA. Role of microRNA in the pathogenesis of systemic sclerosis tissue fibrosis and vasculopathy. Autoimmunity reviews 2019; 18 (11): 102396. Review. https://doi.org/10.1016/j.autrev.2019.102396

La sclérodermie systémique (ScS) se caractérise par une atteinte vasculaire fibrosante et par l’accumulation exagérée de tissu fibreux dans la peau et dans de nombreux viscères. Cette revue de la littérature présente les données accumulées de la science sur le rôle des microARNs dans le développent et la régulation des anomalies vasculaires et de la fibrose de la ScS.

Les microRNAs sont des petits fragments d’ARN non codants (environ 22 nucléotides), conservés tout au long de l’évolution, qui jouent un rôle important dans la régulation de l’expression des gènes codant pour des protéines, au niveau post-transcriptionnel. Leurs mécanismes d’action sont complexes et requièrent une liaison à une séquence spécifique de la région non traduite 3’ ou 5’ de l’ARN cible, entrainant soit une inhibition de la traduction de l’ARN soit une dégradation accélérée de cet ARN. Ceci leur confère des fonctions régulatrices de l’expression de gènes, potentiellement impliquées dans de nombreux processus physiologiques impliquant la croissance, la différenciation, l’immunité et le métabolisme. Il a été démontré que les microARNs ne sont pas uniquement confinés au secteur intracellulaire, mais qu’ils peuvent être sécrétés et transportés dans les exosomes et autres microvésicules pour exercer un effet paracrine sur des cibles aux alentour et plus distantes.

Les principales conclusions sur les différentes fonctions des microARNs dans les processus physiopathologiques de la ScS sont les suivantes :

  • Les microARNs sont impliqués dans la régulation de la libération du Nitric Oxide (NO) endothélial, un puissant vasodilatateur. Ainsi, les microARNs sont impliqués dans de défaut de production du NO observé chez les patients ayant une ScS.
  • Les microARNs ont une connexion avec le processus profibrotique passant par la voie canonique de signalisation de Wnt/β-caténine qui intervient dans l’activation du fibroblaste et dans l’homéostasie endothéliale. Par exemple, une élévation des taux de miR-34a été observée dans les échantillons issus de patients avec ScS. Les taux de miR-34a corrélaient avec les manifestations vasculaires telles que les ulcères digitaux.
  • Les microARNs ont des effets sur la voie de l’urokinase-type plasminogen activator (uPA) et son récepteur (uPAR). De façon physiologique, une modification de la voie uPA-uPAR peut altérer l’angiogénèse et le processus de réparation vasculaire. Il a été montré que miR-193b était régulé négativement dans les biopsies de peau et dans les fibroblastes du derme des patients avec SSc. La baisse des taux de miR-193b entrainait une augmentation de la régulation de l’uPA et de la prolifération des cellules musculaires lisses.
  • Les microARNs interviennent dans la régulation de la production de l’endothéline-1. L’endothéline-1 est un puissant peptide vasoconstricteur. L’endothéline-1 est aussi impliquée dans la prolifération vasculaire et la fibrose de la ScS. L’endothéline-1 est élevée dans le sérum des patients avec ScS. Une élévation de l’endothéline-1 est associée à la pathogénie de la ScS et surtout à la fréquence de l’hypertension artérielle pulmonaire. Des microARNs ont été associés à la modulation de l’endothéline-1. Par exemple, miR-98 est un inhibiteur de l’endothéline-1. Cette dernière peut aussi induire l’expression de certains microARNs impliqués dans la prolifération des cellules musculaires lisses vasculaires.
  • Les microARNs interviennent dans la transition endothéliale vers un phénotype mésenchymenteux : un processus clé récemment considéré dans la pathogénèse de la ScS est la transition des cellules endothéliales en cellules mésenchymateuses (EndoMT). Il a été observé que miR-21 est un promoteur de l’EndoMT au cours de la ScS. D’autres microARNs ont été identifiés comme des stimulateurs et des inhibiteurs de l’EndoMT.
  • Les microARNs sont associés à la fibrose de la ScS. Certains ont un effet profibrosant, d’autres un effet anti-fibrosant et ils peuvent moduler l’expression des gènes profibrotiques de la voie du TGF-β. Par exemple, la famille des miRNA-29 a une importante implication dans la pathogénèse de la ScS, car ces microARNs régulent l’expression de gènes de collagène et de facteurs de transcription impliqués dans les voies de fibrose. Il a été démontré que les miR-29 ont un effet anti-fibrosant et qu’ils sont abaissés dans les fibroblastes dermiques de la ScS. Ainsi, l’augmentation de l’expression de miR-29 dans les fibroblastes de ScS diminue la production des collagène de type I et type III, suggérant un effet post-transcriptionnel de miR-29. Les effets anti-fibrosants de miR-29 ont été observés dans les poumons, les reins, et la fibrose myocardique.
  • Les microARNs peuvent être une connexion entre l’atteinte vasculaire et la fibrose de la ScS. En effet, de nombreux microARNs ont été étudiés individuellement soit dans la vasculopathie, soit dans la fibrose de la ScS, alors que leurs effets pourraient intervenir dans ces deux processus, dans des cascades en boucle d’activation/régulation de la vasculopathie et de l’inflammation/fibrose, comme très bien illustré dans cet article.

Au total, les microARNs interviennent dans la pathologie de la ScS et permettent de mieux connecter l’atteinte vasculaire avec la fibrose, ouvrant de nouvelles approches thérapeutiques ciblées.