Efficacité et sécurité du nintedanib chez les patients atteints de pneumopathie interstitielle diffuse associée à la sclérodermie systémique : analyse de sous-groupe en fonction du statut anticorps et du score de Rodnan modifié

Veille Bibliographique pour le site GFRS – Résumé par Magali LE BRUN (sous la direction de Brigitte GRANEL)

D’après “Efficacy and safety of nintedanib in patients with systemic sclerosis associated interstitial lung
disease: Subgroup Analyses by Autoantibody Status and Modified Rodnan Skin Thickness Score”- Masataka Kuwana et al, Arthritis & Rheumatology2022 doi:10.1002/art.41965

Objectif
Les auteurs ont cherché à évaluer l’efficacité et la sécurité du nintedanib en fonction du statut des ATA,
de la forme cutanée et du score de Rodnan modifié, des facteurs connus pour être associés à la
progression de la maladie, chez les patients de l’étude SENSCIS.

Contexte
Jusqu’en 2019, la prise en charge standardisée de la pneumopathie interstitielle diffuse de la
sclérodermie systémique (PID-ScS) reposait en première ligne sur le mycophénolate mofétil (MMF),
avec possibilité d’introduire un autre immunosuppresseur en cas d’échec. Malgré cela, la PID-ScS
grève le pronostic de la maladie et demeure une des principales causes de mortalité, en partie parce
qu’aucun traitement n’a montré d’efficacité sur la fibrose pulmonaire. Les facteurs de risque de
progression suspectés de cette atteinte sont notamment la présence d’anticorps anti-topoisomérase 1
(ATA), l’atteinte cutanée diffuse (dcScS) et un score de Rodnan modifié > 18.
Le nintedanib est une molécule de faible poids moléculaire inhibiteur des tyrosine-kinases des
récepteurs des facteurs de croissance dérivés des plaquettes (PDGFR), des fibroblastes (FGFR) et de
l’endothélium vasculaire (VEGFR). Il bloque la cascade de signalisation intracellulaire de ces facteurs
de croissance, et par là-même la prolifération, la migration et la différenciation des fibroblastes et des
myofibroblastes pulmonaires.
Les études INPULSIS (2014), INBUILD (2019) et SENSCIS (2019) ont montré l’efficacité du
nintedanib sur le déclin de la capacité vitale forcée (CVF) respectivement dans la fibrose pulmonaire
idiopathique, les PID fibrosantes chroniques de phénotype progressif et la PID-ScS.

Nintedanib

Matériel et méthodes
L’étude SENSCIS était une étude randomisée contrôlée contre placebo en double aveugle. Les critères
d’inclusion étaient un diagnostic de ScS de moins de 7 ans et de PID de moins de 12 mois, une fibrose
pulmonaire > 10% avec une CVF qui restait > 40% et un DLCO entre 30 et 89%, et une prise de
prednisone < 10mg/ jour. Les sous groupes d’intérêt de cette étude comprenaient les 350 patients qui
avaient des ATA, les 299 patients avec une dcScS et les 130 patients qui avaient un score de Rodnan
modifié > 18, comparés respectivement aux patients sans ATA, à ceux avec atteinte cutanée limitée
(lcScl) et à ceux avec un Rodnan < 18.
Cette analyse de sous-groupes de l’étude SENSCIS évaluait le déclin annuel de la CVF à 52 semaines
(critère de jugement principal) et la proportion de patients présentant un déclin annuel de la CVF
supérieur à 3,3% (critère post-hoc, % de différence considérée significative de l’aggravation
respiratoire) sous nintedanib par rapport au placebo.

Résultats
La réduction du taux de déclin annuel de la CVF sous nintedanib a été numériquement plus importante
dans les sous-groupes de patients ATA négatifs (réduction du déclin annuel de la CVF de 57,2 vs 29,9
mL/an chez les ATA positifs), avec un score de Rodnan > 18 (88,7 mL/an vs 26,4 mL/an en cas de
Rodnan < 18) et chez les patients avec une dcScS (56,6 mL/an vs 25,3 mL/an chez les lcScl). Il n’y
avait pas de différence significative (valeur de p exploratoire) d’efficacité du nintedanib en
fonction des différents sous-groupes.
Les auteurs ont montré que la proportion de patients présentant à 52 semaines une aggravation de la
CVF supérieure à 3,3% était moindre chez les patients traités par nintedanib que par son placebo, et ce
indépendamment du statut anticorps ou de la valeur du score de Rodnan.

Conclusion
L’efficacité du nintedanib sur le ralentissement annuel du déclin de la CVF chez les patients atteints de
PID-ScS est observée quel que soit le sous groupe analysé.

De nouvelles études sont nécessaires sur le plan épidémiologique afin de mieux déterminer les facteurs
de risque de progression de la PID-SSc. Bien que les données suggéraient que la positivité des ATA
était associée à un taux accru de déclin de la CVF chez les patients ayant un ScS précoce, le statut
ATA ne semblait pas influer sur le taux de progression de l’ILD dans l’essai SENSCIS.
L’une des limites des analyses de sous-groupes des données de l’essai SENSCIS est qu’elles ne
peuvent pas être utilisées pour les tests statistiques formels; les résultats de ces sous-groupes doivent
donc être interprétés avec prudence.

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