D’après Herrick AL, Peytrignet S, Lunt M, Pan X, Hesselstrand R, Mouthon L, et al. Patterns and predictors of skin score change in early diffuse systemic sclerosis from the European Scleroderma Observational Study. Ann Rheum Dis. (in press). (PubMed)
Rédacteur : Dr Sébastien SANGES (Lille)
À l’heure actuelle, les facteurs prédictifs d’une évolution défavorable du score de Rodnan chez les patients atteints de formes cutanées diffuses précoces de sclérodermie systémique (SSc) ne sont pas clairement établis. Identifier les patients à risque de progression rapide est cependant d’une importance cruciale, non seulement pour optimiser leur prise en charge au quotidien, mais aussi pour recruter les populations les plus pertinentes dans les essais thérapeutiques. Les auteurs ont tiré parti des données recueillies dans le cadre de l’observatoire ESOS (European Scleroderma Observational Study) afin de tenter de répondre à cette question.
L’observatoire ESOS était une étude observationnelle prospective internationale menée dans 50 centres répartis dans 19 pays. Les critères d’inclusion étaient les suivants : forme cutanée diffuse de SSc ; atteinte cutanée évoluant depuis < 3 ans ; âge > 18 ans. Le score de Rodnan était mesuré tous les 3 mois pendant 12 à 24 mois. Le caractère progressif de la maladie était défini comme une élévation de 5 points et de 25% du score de Rodnan entre sa valeur de base et sa valeur la plus haute au cours du suivi.
Sur les 326 patients inclus, l’atteinte cutanée a pu être caractérisée comme progressive chez 66 (22,5%) patients et stable chez 227 (77,5%) d’entre eux (donnée manquante chez 33 patients). La distribution sérologique des patients était la suivante : 124 anti-topoisomérase I (TOPO+), 50 anti-RNA polymérase III (Pol3+), 20 anti-centromère (ACA+), 2 doubles positifs (TOPO+/ACA+), 68 séronégatifs et 62 indéterminés. En analyse univariée, les « progresseurs » présentaient une durée d’évolution de la maladie plus courte (médiane 8,1 vs 12,6 mois ; p=0,001) et un score de Rodnan plus faible (médiane 19 vs 21 ; p=0,03) que les « non-progresseurs ». En termes de statut immunologique, le groupe Pol3+ présentaient plus de « progresseurs » (p=0,105), un score de Rodnan plus élevé à l’inclusion (médiane 24 ; p=0,003) et lors du pic (médiane 35 ; p=0,001), une élévation plus importante du score de Rodnan au cours du suivi (médiane 7 points ; p=0,059) et une vitesse de progression plus courte (médiane 16,3 mois pour atteindre la valeur pic ; p=0,199) que les autres groupes sérologiques.
À l’aide de ces résultats, les auteurs ont ensuite construit deux modèles de prédiction de l’évolution du score de Rodnan durant la première année de suivi : – Modèle A : score de Rodnan, durée d’évolution de la maladie et interaction entre ces 2 paramètres ; – Modèle B : score de Rodnan, durée d’évolution de la maladie, statut Pol3, et interaction entre ces 2 paramètres ; le modèle B étant plus précis mais plus restrictif que le modèle A.
En conclusion, les auteurs expliquent que, parmi les patients atteints de forme cutanée diffuse précoce, ceux présentant une courte durée d’évolution et un score de Rodnan plus bas sont à risque de progression. La positivité Pol3+ prédit un pic de Rodnan plus élevé et plus précoce, et doit conduire à une surveillance clinique rapprochée. Parmi les deux modèles constitués, le modèle B identifie de façon plus exacte les malades les plus à risque de progression, mais expose à un risque de surreprésentation des patients Pol3+ dans les essais cliniques.