Titre article original : Esophageal symptoms and their lack of association with high-resolution manometry in systemic sclerosis patients
Nom auteurs : Arana-Guajardo AC, Barrera-Torres G, Villarreal-Alarcón MÁ, Vega-Morales D, Esquivel-Valerio JA
rédacteur de la veille bibliographique: Pr Brigitte GRANEL (Marseille)
Lien: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29073351
Revue: Reumatol Clin 2017, Dec. 16
Le tube digestif est le second organe touché au cours de la Sclérodermie systémique (ScS), après l’atteinte cutanée. L’ensemble du tube digestif peut être atteint. Elle est caractérisée par des troubles moteurs œsophagiens (75–90%), une atteinte gastrique (50%), du grêle (40–70%), du colon (20–50%) et anorectale (50–70%). La mortalité attribuable à l’atteinte digestive est de 6–12%. La morbidité est importante avec un risque d’atteinte interstitielle pulmonaire, de perte de poids, de dénutrition, d’endobrachy-oesophage et sa progression vers l’adénocarcinome.
La question qui se pose aux cliniciens est la place des examens d’investigation de l’atteinte gastroduodénale au cours de la ScS. La clinique semble insuffisante avec près de 18–40% des patients qui sont asymptomatiques malgré la documentation d’une atteinte œsophagienne. La manométrie œsophagienne, utilisant actuellement un appareil performant de haute résolution (HRM), est considérée comme la méthode de choix pour l’évaluation de la motricité œsophagienne chez les patients ScS. Sa place dans le dépistage de l’atteinte digestive n’est encore pas très claire, y compris dans la dernière version du Protocole National de Diagnostic et de Soin (PNDS).
Le but de cette étude était de dépister les troubles moteurs œsophagiens par HRM chez des patients souffrant de ScS et de décrire leur association à la symptomatologie digestive haute.
Il s’agit d’une étude observationnelle et descriptive dans un hôpital Universitaire de soin tertiaire, incluant des patients souffrant de ScS (>18 ans, selon les critères de l’American College Classification 1980) avec ou sans symptômes œsophagiens et qui signaient un consentement de participation à l’étude. Les caractéristiques démographiques et le dossier clinique de chaque patient était relevé. Les symptômes œsophagiens étaient recueillis par une interview semi-structurée permettant d’évaluer la fréquence de la dysphagie, brulure, régurgitation, toux, douleur thoracique, nausée, vomissement, le reflux gastro œsophagien et la dysphagie. Un auto-questionnaire sur le reflux gastro œsophagien était rempli par le patient.
Les auteurs ont inclus 21 patients, 19 avec une ScS, 1 avec une morphée, et 1 avec une sclérodermie sine scleroderma. La ScS était diagnostiquée il y a moins de 3 ans pour 17 patients (80,9%). La plupart des patients était des femmes (95,2%) avec un âge moyen de 44,9 ± 14 ans, 17 patients avaient une forme cutanée limitée (80,9%). Le phénomène de Raynaud était présent chez 18 (85,7%) patients.
Une anomalie à l’HRM était observée chez 15 patients (71,4%), pour 6 patients (28,5%), elle était normale. Les patients avec anomalies à l’HRM étaient: 1 (6,6%) avec un spasme distal de l’œsophage, 5 (33,3%) avec absence de péristaltisme, 4 (26,6%) avec un faible péristaltisme, et 3 (20%) patients avec fréquente absence de péristaltisme.
La dysphagie et la brulure étaient les symptômes les plus fréquents. Cependant, en général, la fréquence des symptômes ne variait pas entre les groupes avec ou sans anomalie à l’HRM. Seule la régurgitation était plus fréquente chez les patients ayant une HRM normale. Ni le questionnaire portant sur le reflux ni la sévérité de la dysphagie différaient entre les groupes. Deux patients avec une forme limitée de ScS qui étaient asymptomatiques avaient une anomalie à l’HRM (pour un patient, absence de péristaltisme et pour l’autre faible péristaltisme). Les deux patients (un avec une morphée et un patient avec une sclérodermie sine scleroderma) avaient une HRM normale.
La conclusion de cet article est que les anomalies de la motricité œsophagienne à l’HRM sont fréquentes chez les patients souffrant de ScS (71,4%), qu’ils aient ou non des symptômes digestifs hauts. La dysphagie et la brulure sont les deux symptômes les plus fréquents. Il n’y a pas d’association entre la symptomatologie clinique et les résultats de l’HRM, en dehors de la régurgitation qui était, de façon curieuse, plus fréquente chez les patients ayant une HRM normale.
Cette étude n’est pas la première à souligner l’absence de relation entre les symptômes cliniques œsophagiens et les anomalies à l’HRM. Ceci veut dire que des symptômes peuvent être absents chez des personnes ayant un trouble moteur œsophagien. Dans cette étude, deux patients n’ayant pas de symptômes œsophagiens avaient une HRM anormale. Une explication à cela pourrait résider sur le traitement par inhibiteurs de la pompe à protons, pris chez 95,2% des patients au moment de l’évaluation par HRM, et qui ont pu masquer les symptômes.
Parmi les faiblesses de cette étude, celle qui parait la plus importante est l’absence de réalisation d’endoscopie digestive ou de Ph-métrie afin de savoir si les patients ayant des anomalies à l’HRM sont plus à risque d’anomalies endoscopiques.
En conclusion, les auteurs suggèrent que l’évaluation gastro-intestinale devrait être réalisée précocement et de façon systématique lors du diagnostic de ScS, même s’il n’y a pas de symptômes typiques rapportés. Ceci permettrait d’identifier des anomalies œsophagiennes précoces et de les prendre en charge au plan thérapeutique. Personne ne sait si cette approche permettra de diminuer l’impact sur la morbidité de cette atteinte. Une étude couplant les résultats de la HRM à l’endoscopie digestive permettrait de mieux positionner chaque examen lors du bilan viscéral de la ScS.
Mots clés : belimumab