Le 4è congrès mondial sur la sclérodermie systémique s’est déroulé du 18 au 20 février 2016 à Lisbonne, au Portugal, avec au programme, une cinquantaine de communications orales et plus de 400 communications affichées. Le GFRS vous propose le résumé des principaux travaux présentés à cette occasion (Pr C. Agard, Pr L. Mouthon, Pr D. Launay, Dr B. Imbert)
Données cliniques
Etude SLS II, MMF versus cyclophosphamide dans le traitement de la PID de la sclérodermie systémique (ScS).
L’étude prospective multicentrique SLS II (scleroderma lung study II) a comparé le cyclophosphamide oral (CYC po, 2mg/kg/j) pendant 12 mois suivis de 12 mois de placébo (n=73), au mycophénolate mofetil (MMF, 3g/j, n=69) pendant 24 mois, dans le traitement de la pneumopathie infiltrante diffuse (PID) de la sclérodermie systémique (ScS) (Khanna D et al., P.359). Les patients ayant une ScS ancienne (1er signe hors Raynaud datant de plus de 7 ans) et les cas d’insuffisance respiratoire sévère (capacité vitale forcée (CVF)<45%) étaient exclus. A 24 mois, 53 patients étaient analysables dans chaque groupe. La CVF était améliorée chez 35% des patients, sans différence entre le groupe CYC po et le groupe MMF. La diffusion lente du monoxyde de carbone (DLCO) n’était pas modifiée. Les décès (11/16), et les arrêts de traitement, étaient plus fréquents dans le groupe CYC po. Les auteurs concluent que le MMF peut être proposé en première intention pour traiter la PID de la ScS. Dans une étude ancillaire (Khanna D, et al., CO-48), le score de Rodnan modifié était amélioré à 2 ans, passant de 14 à 9 en moyenne, l’effet étant plus marqué dans les formes diffuses (58,5% des patients).
Les patients avec une sclérodermie systémique de diagnostic précoce.
Au sein de la cohorte EUSTAR, 695 patients vus pour une ScS dans les 12 mois suivant l’apparition du phénomène de Raynaud, ont été qualifiés de ScS « précoce » (early SSc) et une étude sur un suivi moyen de 3,1 an de ces patients a été menée (Jaeger VK, et al. CO-02). Au cours du suivi, les manifestations les plus fréquentes étaient la sclérose cutanée (75%), l’atteinte gastro-intestinale (71%), la baisse de la DLCO à moins de 80% (65%), les ulcères digitaux (34%). La moitié des manifestations survenaient dans les 2 premières années. Certaines caractéristiques initiales prédisaient la survenue de complications : atteinte cutanée diffuse et baisse incidente de la CVF, âge élevé/sexe masculin et survenue incidente d’une élévation de la pression artérielle systolique (PAPs) > 40 mmHg, âge élevé/AC anti-topoisomérase 1 (anti-Scl70) et survenue d’une atteinte cardiaque. La ScS « précoce » représente une fenêtre d’opportunité pour évaluer certaines stratégies thérapeutiques curatives ou préventives.
Nouvelles données sur le suivi capillaroscopique.
Une étude prospective évaluant la capillaroscopie dans le suivi à 3 ans de 140 patients sclérodermiques a été présentée (Avouac J, et al. CO-05). Chez 29 patients, le pattern capillaroscopique (early, active, late) a évolué dans le temps. Chez 15 patients, l’évolution s’est faite d’un aspect normal/early vers un aspect active (mégacapillaires), avec une diminution du risque d’ulcères digitaux ischémiques (UD). Chez 14 patients, l’évolution se faisait vers un aspect late (raréfaction capillaire), et ceci était corrélé à l’apparition de nouveaux UD (HR=4,51) mais également à la progression de la fibrose cutanée (HR=3,7).
Notons que dans l’expérience portugaise (Silva L, et al. CO-06), le pattern « late » était également le meilleur facteur prédictif de nouvel UD.
Sclérodermie systémique cutanée limitée à anticorps anti-topoisomérase-1
Sur 460 patients de la cohorte néerlandaise de Nimègue, 237 (51,5%) avaient une ScS cutanée limitée à anticorps anti-topoisomérase-1 (Kranenburg P, et al., CO-32). La survie (jusqu’à 15 ans de suivi) était meilleure chez ces patients avec une survie cumulée à 75,1% versus 52,9% chez les patients avec une forme diffuse anti-topo-1+, qui s’associait plus fréquemment, de manière attendue, à une atteinte interstitielle pulmonaire sévère.
Index d’activité de la sclérodermie systémique
Une étude EUSTAR a été menée pour proposer des critères d’activité de la ScS (Iudici M, et al. CO-43). Un index reposant sur 10 critères est proposé : aggravation du score de fibrose cutanée, aggravation cardio-pulmonaire, score de Rodnan>18, présence d’ulcères digitaux, crépitations tendineuses, VS>50, CRP>1mg/L, DLCOc<70%. Cet index semble plus performant que l’index EScSG 2001.
HTAP de la sclérodermie systémique en Australie.
Entre 2007 et 2015, 132 cas d’HTAP-ScS ont été recencés, d’âge moyen 62,3 ans au diagnostic d’HTAP (Morrisroe K, et al. P083). Le taux de mortalité globale était de 41,7%, avec une survie médiane à 4,1 an. L’âge avancé, la classe fonctionnelle de la dyspnée, la valeur initiale de PAPm, la présence d’UD étaient des facteurs prédictifs de mortalité. Le pronostic était meilleur chez les patients recevant une bithérapie IPDE-5 + ARE et une anticoagulation.
Pour améliorer le suivi des ulcères digitaux ischémiques.
Le suivi clinique ne permet pas toujours d’apprécier avec précision l’évolution des UD ischémiques de la ScS. A partir d’images photographiques des UD, un logiciel de traitement d’image pourrait apporter des informations plus précises, comme l’évolution de la surface de chaque UD (Simpson V, et al. P210).
Les télangiectasies cutanées, marqueurs d’atteinte vasculaire sévère ?
Sur 87 patients d’âge moyen 57 ans (60% de forme cutanée limitée), des télangiectasies cutanées (CT) étaient observées chez 75 d’entre eux, dont 27 sous une forme profuse (>10) et 19 sous une forme pseudo-tumorale (au moins 5 mm de diamètre) (Avouac J, et al. P.275). Les patients avec CT profuse ou pseudo-tumorale avaient davantage de pattern « late » et de raréfaction capillaire en capillaroscopie. La forme profuse était associée de manière indépendante avec les UD. La forme pseudo-tumorale était associée au pattern « late » (OR=4,84), et à l’hypertension pulmonaire pré-capillaire (OR=12,6). La description précise des CT est probablement utile dans le suivi des patients sclérodermiques.
Données pré-cliniques et fondamentales :
L’inhibition de la phosphodiestérase-4, une stratégie thérapeutique à évaluer ?
La phosphodiestérase-4 (PDE-4) est exprimée dans les cellules inflammatoires. Dans 2 modèles murins de fibrose (bléomycine, réaction du greffon contre l’hôte (GVH)), l’inhibition de PDE-4 par la molécule rolipram a eu un effet anti-fibrotisant dose-dépendant (mesure de l’épaisseur cutanée, niveau d’expression d’hydroxyproline, nombre de cellules alpha-smooth muscle actine (αSMA+)) (Maier C, et al., CO-10). Il était également observé une baisse de l’infiltrat leucocytaire au sein des lésions de fibrose. Par ailleurs, sur culture de cellules macrophagiques M2 de patients témoins et sclérodermiques, l’inhibition de PDE-4 réduisait le relargage d’IL-6, d’IL-13, de TGFβ et réduisait l’activation fibroblastique ainsi que la sécrétion de collagène. Le rolipram, déjà utilisé dans l’arthrite psoriasique, mériterait donc d’être évalué au cours de la ScS.
Nox-4, nouveau médiateur de la fibrogénèse sclérodermique.
Les protéines de la famille Nox (NADPH oxydase) semblent impliquées dans les processus fibrosants. Dosoki et coll. Ont montré que sur des fibroblastes en culture, le transforming growth factor bêta (TGFβ) augmentait l’expression de Nox-4 et l’activité de la NADPH de manière Smad-3 dépendante (Dosoki H, et al. CO-40). Nox-4 augmentait la production de collagène I et à l’opposé, l’inhibition de Nox-4 avait un effet anti-fibrosant. Dans le modèle murin de fibrose induite par la bléomycine, un effet anti-fibrosant a été obtenu par un inhibiteur de Nox-4, la molécule DPI (Diphényleneiodonium).
Anticorps anti-vinculine, marqueur d’intérêt ?
L’anticorps (Ac) anti-vinculine, qui a été décrit comme associé au syndrome de l’intestin irritable, a été recherché par ELISA chez 72 patients ayant une ScS (Suliman Y, et al. P.009), et retrouvé chez 29 d’entre eux (40%). Il n’était pas retrouvé de lien avec l’atteinte digestive, mais un lien significatif avec l’HTAP a été mis en évidence. Le rôle et la signification précise de cet Ac restent à identifier.
Etude des cellules musculaires lisses vasculaires (CMLV) de patients sclérodermiques.
Des CMLV ont pu être obtenues à partir de biopsies cutanées de 3 patients ayant une ScS diffuse et de 3 sujets contrôles (Kahaleh B, et al. P.036). Elles ont pu être caractérisées (CD31-, CD146+, MYH11+, Desmine+, Vimentine+) et les tests complémentaires ont montré que les CMLV du derme de patients avec ScS étaient particulièrement prolifératives et résistantes à l’apoptose. Ces données nouvelles permettront de mieux comprendre comment ce phénotype est déclenché et/ou entretenu.