Par les Dr Damien Biotti, Pascal Cintas et Jonathan Ciron et le Pr Grégory Pugnet
L’atteinte neurologique dans la sclérodermie systémique est considérée comme rare mais non exceptionnelle. La prévalence de cette atteinte est très variable dans la littérature et peut aller jusqu’à 18% pour les atteintes neurologiques périphériques et 16% pour les atteintes neurologiques centrales.
Par les Dr Benjamin THOREAU et Elisabeth DIOT ( Maj Avr 2023 )
Qu’est ce qu’un facteur de risque ?
Un facteur de risque ou facteur prédisposant est un facteur (caractéristique physiologique ou pathologique) qui augmente le risque d’apparition d’une maladie par exemple.
Il existe plusieurs types de facteurs prédisposants, comme certains facteurs environnementaux (exposition à des produits chimiques ou physiques, ou des agents infectieux), ou des facteurs de prédisposition génétiques.
Un exemple commun est le risque de maladie cardiovasculaire associée à des facteurs de risque cardiovasculaires reconnus comme l’hypertension artérielle, le tabagisme, le diabète ou l’hyperlipidémie.
Quels sont les facteurs de risque occupationnels dans la Sclérodermie Systémique ?
Plusieurs expositions toxiques occupationnelles sont rapportées comme facteurs prédisposants au développement d’une sclérodermie systémique. Les trois principaux pour lesquels le lien est clairement établi au cours de la sclérodermie systémique sont l’exposition à la silice cristalline, aux solvants (solvants aromatiques, trichloréthylène, halogénés, cétones) et aux résines époxy.
L’exposition à la silice, est principalement rencontrée chez les patients de sexe masculin atteints de sclérodermie systémique, alors que l’exposition aux solvants aromatiques et aux cétones est principalement rencontrée chez les femmes. Ces associations privilégiées sont secondaires aux postes professionnels occupés, exposants à des toxiques spécifiques.
Les postes professionnels pouvant exposer à ces types de toxiques sont le travail en fonderie, les usines métallurgiques, l’industrie chimique et pétrochimique, les services de nettoyage, l’industrie textile et les travaux de teinture.
Quel est l’impact de ces facteurs de risque occupationnels et quelles sont les mesures à entreprendre ?
Les mécanismes exacts de l’impact de ces facteurs de risque occupationnels sur le développement de la maladie restent encore très mal connus.
Par contre, un certain nombre d’association entre des facteurs de risque occupationnels et des atteintes de la maladie a été démontré. Cela est le cas principalement avec l’exposition à la silice, les solvants, les résines epoxy et le développement d’une fibrose cutanée extensive, d’une fibrose pulmonaire associée à la sclérodermie systémique, d’une dégradation de la fonction respiratoire au cours du temps, et d’une atteinte musculaire (myopathie) associée à la sclérodermie systémique.
La découverte d’une sclérodermie systémique doit faire rechercher ces facteurs de risque occupationnels dans l’histoire de vie actuelle ou antérieure des patients. L’objectif est multiple. Tout d’abord, cela permet d’interrompre si possible l’exposition toxique ou permettre une adaptation du poste de travail. Ensuite, concernant l’exposition à la silice, en fonction d’un certain nombre de critères d’imputabilité, cela peut permettre l’ouverture d’un dossier de maladie professionnelle. Pour finir, cela pourrait inciter à adapter le suivi personnalisé des patients atteints de sclérodermie systémique ayant été ou étant exposés à des facteurs de risque occupationnels reconnus. Lien pour le tableau de déclaration de maladie professionnelle de la silice : ici
Par les Prs Laurent Alric et Grégory Pugnet ( Maj Avr 2023 )
Au cours de la sclérodermie systémique, il peut être observé une atteinte hépatique. En effet, il existe une association rare mais non fortuite entre la sclérodermie systémique et la cholangite biliaire primitive (CBP). La survenue concomitante ou de manière décalée de ces 2 maladies reste rare mais classique. La cholangite biliaire primitive anciennement appelée de manière inappropriée cirrhose biliaire primitive est une maladie qui touche les petites voies biliaires microscopiques.
Par les Dr Alice Bérézné et Elisabeth Diot. Maj 11 Avril 2023
Les symptômes de la SSc sclérodermie systémique retentissent considérablement sur les activités quotidiennes, professionnelles et diminuent la qualité de vie des patients. La fatigue est reconnue comme l’un des plus invalidants.
La fatigue affecte, en effet, de nombreuses facettes de la vie, diminuant la capacité d’effectuer des tâches habituelles du quotidien, de s’occuper de sa famille, de s’engager dans des activités sociales, d’accomplir des tâches professionnelles. Elle peut également être à l’origine de troubles de l’humeur et de syndromes dépressifs réactionnels auxquels votre médecin devra être attentif. Elle va également limiter l’activité physique et peut diminuer la capacité à maintenir son activité professionnelle à l’identique.
La fatigue ne semble pas corrélée avec le type de sclérodermie systémique. La présence d’une atteinte pulmonaire, gastro-intestinal et musculaire sont rapportées comme des facteurs de risque de survenue de fatigue au cours de la maladie.
La fatigue au cours de la sclérodermie systémique reste un symptôme peu spécifique et son apparition brutale, ou l’aggravation d’une fatigue chronique doit faire rechercher une autre cause telle que l’anémie, l’association avec une autre maladie auto-immune, une hypothyroïdie, une infection et parfois un effet secondaire des traitements en cours. Votre médecin peut également refaire le bilan complet de la sclérodermie systémique à la recherche d’une complication de la maladie.
La prise en charge globale de la sclérodermie va forcément entrainer une amélioration de la fatigue. Le contrôle de la douleur, des troubles digestifs va retentir positivement sur l’état général et sur la fatigue.
La fatigue lorsqu’elle est invalidante peut être reconnue comme un handicap et peut être mentionnée dans une demande de dossier MDPH. Cela peut permettre de mettre en place une adaptation du poste de travail, du temps de travail hebdomadaire, des aides à domicile par exemple.
Un patient atteint de sclérodermie systémique doit apprendre à gérer sa fatigue, à connaitre son seuil de fatigabilité. Une prise en charge par un kinésithérapeute et même une réadaptation à l’effort peut être bénéfique. Une aide psychologique peut également être proposer.
Par le Pr Brigitte Granel et le Dr Bernard Imbert. Maj du 11/04/2023
Pourquoi la main est-elle touchée dans cette maladie ? La Sclérodermie est une maladie touchant les vaisseaux de petit calibre et qui conduit à une fibrose exagérée et dérégulée de la peau. L’atteinte de la main au cours de la Sclérodermie est de mécanisme souvent multifactoriel avec des phénomènes vasculaires (syndrome de Raynaud, ulcère ischémique), cutanés (fibrose) et sous-cutanés (calcinose), tendineux et articulaires. Elle est source de gêne au quotidien et s’accompagne fréquemment de phénomènes douloureux
Le patient et les médecins doivent porter une grande attention à l’état des mains car même si cette atteinte ne met pas en jeu le pronostic vital, elle est une importante source de handicap et a un retentissement psycho-social important. Il faut aborder avec le patient le retentissement de l’atteinte de la main sur la vie quotidienne, la gestion de la douleur, le retentissement social et professionnel et sur l’ensemble de sa qualité de vie.
Quels sont les signes ?
– Lephénomène de Raynaud est une constante au cours de la Sclérodermie (99% des cas). C’est un spasme des petits vaisseaux avec arrêt transitoire de la circulation sanguine des extrémités qui affecte les doigts, assez souvent les orteils, plus rarement le nez ou les oreilles et qui évolue par crises. Les crises sont essentiellement déclenchées par le froid (ou les variations thermiques), l’humidité ou les émotions. Le phénomène de Raynaud est souvent inaugural et peut précéder de nombreuses années le diagnostic de la maladie.
La crise évolue en 3 phases qui ne sont cependant pas toujours présentes : une phase blanche qui est la plus constante puis les doigts sont bleus et ensuite au moment où ils se réchauffent ils deviennent rouges. Cette dernière phase est douloureuse.
La durée d’une crise est variable, en général de moins de 30 minutes.
– Concernant la peau, au début les doigts peuvent apparaitre gonflés et boudinés. Puis du fait de la fibrose, la peau s’épaissit et devient moins souple, on parle alors de sclérodactylie.
Dans certains cas, les doigts deviennent effilés avec une peau tendue, fine, fragile et atrophique.
Figure 2 : aspect « en griffe » avec réduction de la mobilité des mains dans une forme sèvère
La mobilité des doigts diminue. A l’extrême, les doigts peuvent rester bloqués en flexion, sans qu’on ne puisse plus les étendre.
Ces aspects ne sont cependant pas constants avec des cas où la gêne est modérée et des cas plus sévères dans lesquels l’atteinte fibrosante est importante avec un défaut d’extension et de fermeture des doigts
Figure 3: ulcère de la pulpe du quatrième doigt
Dans certains cas, des ulcérations douloureuses apparaissent au bout des doigts du fait de l’absence de circulation sanguine dans les petits vaisseaux, qui peuvent dans les cas les plus sévères prendre l’aspect d’une nécrose de l’extrémité du doigt. La cicatrisation des ulcères est longue, entre 1 et 3 mois en moyenne.
– Des calcifications sous-cutanées peuvent aussi être observées, en particulier sur la face palmaire des doigts (10 à 30 % des cas). Elles sont plus fréquentes au niveau de la pulpe de la dernière phalange des doigts. Elles sont fréquemment décelables à l’œil nu, sous la forme de déformations ou de nodules blanchâtres apparaissant immédiatement sous la peau, qui peuvent devenir inflammatoires ou douloureux, pouvant nécessiter un geste chirurgical. Une extrusion spontanée de calcinose peut se produire à travers la peau sous la forme d’une pâte blanche, ou de petits «cailloux». Une ulcération en regard des lésions de calcinose peut survenir et se surinfecter.
Ces calcinoses sont facilement mises en évidence par la radiographie des mains, qui peut montrer également des anomalies osseuses au niveau des dernières phalanges.
Figure 4: Radiographie des doigts montrant des dépôts calciques sous cutanés.
– Les autres éléments cutanés au niveau de la main sont
la présence de télangiectasies qui sont des petites taches rouges dues à la dilatation des petits vaisseaux. Elles sont fréquentes mais n’entrainent pas de gêne fonctionnelle.
Des lésions de dépigmentation, qui peuvent survenir particulièrement chez les patients à peau noire
Figure 5: télangiectasies de la face palmaire des mains.Figure 6 : dépigmentation du dos des mains au cours de la Sclérodermie.
– La main peut être la source de douleurs articulaires (arthralgies) d’origine inflammatoire ou en lien avec la raideur des doigts, des mains et des poignets. Une atteinte inflammatoire de la membrane synoviale (membrane autour de l’articulation) est possible, appelée synovite. Une inflammation des tendons des doigts et/ou des poignets est fréquente, contribuant à une gêne fonctionnelle, pouvant donner une sensation de « crissement tendineux , surtout dans les formes debutantes évolutives de la maladie. À un stade plus tardif, une fibrose des tendons et de leurs gaines peut, associée à l’atteinte cutanée, conduire à la survenue de contractures en flexion des doigts.
Que faire ?
Les mains et les doigts sont à placer sous haute surveillance. Il faut limiter l’apparition du phénomène de Raynaud par la protection vis-à-vis des variations thermiques et du froid (port de gants chauds, chaufferettes et/ou gants chauffants,…). Il convient également de lutter contre la sécheresse cutanée (crèmes) et de se protéger des traumatismes tels que blessures, coupures, piqûres ou autres, qui auront du mal à cicatriser.
Il est important de lutter contre l’enraidissement à l’aide des différentes techniques de rééducation.
Seule une prise en charge globale multidisciplinaire peut permettre d’améliorer la fonction de la main en prenant en compte les atteintes cutanée et vasculaire, tendineuse et articulaire de la main, incluant la rééducation fonctionnelle et l’ergothérapie.
Les techniques de kinésithérapie associant rééducation, port d’attelles la nuit, mobilisation tissulaire et drainage lymphatique manuel, permettent de lutter contre la raideur et la douleur et de préserver la fonctionnalité de la main. L’ergothérapeute aide à adapter les objets de la vie quotidienne en fonction du handicap.
La coopération et le rôle actif du patient lui-même, qui peut être aidé pour mettre en place une auto-kinésithérapie au quotidien et adapter son environnement, sont indispensables pour une prise en charge optimale.
Un dossier peut être déposé auprès de la MDPH (maison départementale du handicap) pour trouver des aides et solutions adaptées aux besoins.
Des médicaments vasodilatateurs pris par voie orale permettent une meilleure circulation sanguine au niveau des doigts. A l’extrême, en cas d’ulcère qui ne guérit pas malgré les mesures locales et les traitements vasodilatateurs oraux, une perfusion d’Iloprost peut améliorer la circulation et la cicatrisation. La perfusion doit être réalisée sur plusieurs jours et doit être faite en milieu hospitalier mais le bénéfice peut se maintenir plusieurs mois.
Par le Dr Benjamin Chaigne et le Pr Brigitte Granel ‘ Maj du 08 Avr 2023’
Comment est la peau dans la sclérodermie systémique ? La peau est le principal organe atteinte de la sclérodermie systémique. En Grec, « sclero » signifie « dur » et « derma » peau. Durant l’évolution de la maladie, la peau s’épaissit et peut devenir dure, impossible à plisser. Dans certains cas, à la phase initiale de la maladie, en particulier dans les formes cutanées diffuses (voir ci-dessous), il existe parfois une période où la peau est le siège d'une réaction inflammatoire. Elle apparaît alors comme gonflée et œdématiée. La peu peut aussi être sèche et démanger (on parle alors de peau « prurigineuse »). L’épaississement de la peau commence fréquemment au niveau des doigts et s’appelle la « sclérodactylie », comme illustré à la Figure ci-dessous. Les doigts peuvent être décrits au début comme « boudinés » par votre médecin, et vous pouvez ressentir des difficultés à enlever les bagues.
Selon l’extension de l’atteinte cutanée au niveau du corps, on différentie les formes où l’atteinte cutanée est diffuse, touchant le tronc et la racine des membres, et des formes où l’atteinte est limitée aux extrémités, ne remontant pas au-dessus des coudes ou des genoux (Figure ci-dessous). L’atteinte cutanée du visage se retrouve autant dans les formes cutanées diffuses et cutanées limitées (lien vers l’atteinte du visage).
Figure : en blanc = peau saine, en gris = peau fibrosée
A forme cutanée limitée, la fibrose cutanée ne remonte pas au-dessus des coudes et des genoux
B forme cutanée diffuse, la fibrose touche le tronc et/ou la partie proximale des membres
Parfois, après une longue évolution de la maladie, la peau peut devenir fine et fragile; on parle alors d’ « atrophie cutanée ». Le volume des doigts diminue et ils apparaissent amincis.
On peut également observer des modifications de la couleur de la peau dans la sclérodermie systémique. On parle d’ « hyperpigmentation » lorsque la couleur de la peau s’accentue (comme un bronzage persistant), ou de « dépigmentation » lorsque la couleur de la peau disparaît (lien vers la figure dans le chapitre de la main ou reprise de la figure).
Indépendamment des lésions de sclérose, de petits vaisseaux tortueux peuvent apparaitre à la surface de la peau. On les appelle « télangiectasies ». Elles correspondent à des dilatations des vaisseaux cutanés et siègent préférentiellement sur les lèvres, dans la bouche, sur le visage et les mains (Figure ci-dessous).
Figure : Télangiectasies des lèvres Enfin, la peau peut-être blessée par la survenue de calcinoses ou d’ulcérations et les patients ont presque tous un phénomène de Raynaud (lien vers le chapitre de la main).
Pourquoi la peau est touchée ? La peau s’épaissit car des cellules, appelées « fibroblastes », ne sont plus régulées et fabriquent trop de collagène (Figure ci-dessous). Les fibroblastes ont normalement un rôle dans la cicatrisation. Ils réparent la peau en fabriquant les fibres de collagène et des protéines de la matrice extra cellulaire dont le rôle est de « maintenir » la structure de la peau. Dans la sclérodermie systémique, l’accumulation en excès de ces fibres de collagène cause l’épaississement et l’enraidissement de la peau : c’est pour cela qu’on parle de fibrose ou de sclérose.
Figure: Fibroblastes observés au microscope
Peut-on avoir une sclérodermie systémique sans fibrose de la peau ? Oui, cela s’appelle une sclérodermie systémique sine scleroderma. Il s’agit d’une forme rare de la maladie dans laquelle il y a une atteinte d’organe (« maladie systémique ») sans (« sine ») atteinte de la peau.
Comment évalue-t-on l’atteinte de la peau ? Lors de la consultation médicale, votre médecin vous demandera si votre peau est modifiée et vous examinera : il regardera votre peau à la recherche de signe de fibrose, des télangiectasies, ou de troubles de la pigmentation. Le médecin pourra s’aider d’un score de fibrose qui nécessite de palper plusieurs sites pour mesurer la fibrose cutanée. Il mesurera l’ensemble de la fibrose de votre corps grâce au score cutané de Rodnan modifié qui évalue 17 régions ; en quottant de 0 à 3 chaque région : 0 pour une peau de texture et d’épaisseur normale, 1 pour une peau épaissie restant plissable, 2 pour une peau épaissie non plissable, 3 pour une peau épaissie et figée sur les plans profonds. Vous pouvez trouver le score cutané de Rodnan modifié sur cette page (lien vers le site). Votre médecin vous demandera aussi d’ouvrir la bouche le plus grand possible afin de mesurer l’ouverture buccale.
Que faire pour votre peau ? Il faut en prendre grand soin et en parler avec votre médecin généraliste et les médecins spécialistes. Ils pourront vous conseiller, vous proposer des crèmes hydratantes (émollientes) et des traitements symptomatiques pour soulager les démangeaisons. Votre médecin spécialiste sera peut-être amené à vous proposer des traitements immunosuppresseurs ou immunomodulateurs qui agissent contre la fibrose cutanée, si celle-ci apparait évolutive. Il pourra aussi vous proposer de participer à des essais cliniques qui visent à évaluer des traitements prometteurs de la maladie.
Une grossesse est envisageable chez une femme atteinte de sclérodermie systémique, mais il est préférable de réaliser une consultation pré-conceptionnelle avec son spécialiste référent avant de tomber enceinte, pour évaluer les risques pour soi, pour l’enfant, les moyens de prévention médicamenteuse possibles et planifier un suivi médical rapproché pendant la grossesse et après l’accouchement.
En effet, une grossesse chez une femme atteinte de sclérodermie systémique est une grossesse à risque, et doit être planifiée et suivie étroitement.
Les risques pour la mère sont en lien avec la sévérité de la sclérodermie systémique.
Si la femme présente une atteinte cardiaque et ou pulmonaire évoluée en lien avec la sclérodermie (HTAP, pneumopathie interstitielle diffuse sévère) avant la grossesse, il lui est déconseillé de tomber enceinte, car il existe un risque d’aggravation de la pathologie cardio-pulmonaire pendant la grossesse, et que les médicaments prescrits, en particulier pour l’HTAP, sont contre-indiqués pendant la grossesse.
La femme atteinte de sclérodermie systémique est également à risque de complications vasculo-placentaires pendant la grossesse. Ces complications, liées à un problème de vascularisation du placenta, se manifestent soit par une pré-éclampsie (apparition d’une hypertension artérielle et de protéines dans les urines chez la mère +/- apparition d’oedèmes, de maux de tête, de flou visuel), soit par un retard de croissance intra-utérin (le fœtus ne grossit pas suffisamment car n’est pas bien alimenté par le placenta malade). La survenue de ces pathologies peut être prévenue par la prise d’aspirine à faible dose (100 mg/j par voie orale), dès la fin du 3e mois de grossesse et jusqu’à 35 semaines d’aménorrhée. Ces pathologies sont fréquentes également en population générale et justifient une mesure de la tension artérielle et une analyse d’urines tous les mois à partir de 20 semaines d’aménorrhée et jusqu’à la fin de la grossesse chez toutes les femmes enceintes. L’échographie obstétricale réalisée à chaque trimestre de grossesse permet d’évaluer la croissance du bébé et de voir si les artères utérines qui vascularisent le placenta fonctionnent bien. Ces échographies seront plus fréquentes qu’en population générale chez la femme enceinte atteinte de sclérodermie systémique, à partir du 2e trimestre de grossesse.
Les formes de sclérodermie systémique les plus à risque pendant la grossesse sont les formes cutanées diffuses (lorsque la sclérose de la peau est présente au-dessus des coudes et/ou au-dessus des genoux), surtout au cours des 5 premières années suivant le diagnostic. Ainsi, les formes de sclérodermie avec une atteinte cutanée limitée sont moins à risque de complications pendant la grossesse.
Avant de débuter une grossesse, votre médecin référent vous proposera une évaluation nutritionnelle et vous proposera si besoin des suppléments vitaminiques et/ou des compléments alimentaires. Il pourra être également nécessaire de fractionner vos repas en plusieurs petits repas pour pouvoir prendre le poids nécessaire pour une bonne croissance de votre bébé, tout en réduisant les symptômes en lien avec le reflux gastrique. Le traitement par inhibiteur de la pompe à protons pourra être majoré si besoin.
Certains médicaments contre-indiqués pendant la grossesse devront être arrêtés et si besoin remplacés avant de tomber enceinte (exemple : méthotrexate, IEC, TRACLEERâ, etc).
Note positive, certains symptômes de la sclérodermie peuvent s’améliorer pendant la grossesse, tels que le phénomène de Raynaud, ou la souplesse de la peau.
La sclérodermie n’est théoriquement transmissible à l’enfant ni par le père ni par la mère. Cependant, vous pouvez transmettre à votre enfant une prédisposition génétique à développer des maladies auto-immunes, qui peuvent aussi bien ne jamais se déclarer.
Par les Pr Yurdagul Uzunhan et David launay. Maj 20 Mars 2023
L’atteinte pulmonaire constitue une des atteintes viscérales les plus importantes de la sclérodermie systémique. Il s’agit d’une pneumopathie interstitielle diffuse le plus souvent fibrosante. L’atteinte concerne ainsi le poumon profond et va conduire à une altération des échanges gazeux responsable à terme d’une insuffisance respiratoire chronique.
Cette atteinte est fréquente et concerne 40 à 60% des patients. Elle contribue à la mortalité des patients et impose une attention particulière visant à la détecter et à la prendre en charge de façon adaptée.
L’interrogatoire du patient est essentiel pour rechercher des symptômes comme un essoufflement (dyspnée) à l’effort, une toux le plus souvent sèche, une fatigue qui peut être la conséquence de cette atteinte pulmonaire.
Les examens utiles au diagnostic sont la radiographie du thorax, le scanner du thorax en haute résolution, les explorations fonctionnelles respiratoires et le test de marche des 6 minutes. L’échographie cardiaque est également utile pour dépister une hypertension pulmonaire.
Les éléments du traitement :
Il est important de veiller à limiter l’exposition à des pneumotoxiques comme le tabac (proposer systématiquement un sevrage tabagique) et porter une attention particulièrement aux expositions professionnelles (silice, solvants).
Une vaccination contre les germes responsables d’infections respiratoires est recommandée (vaccin anti-COVID19, vaccin anti-pneumococcique, vaccin anti-grippal).
Le maintien de l’activité physique régulière est également conseillé.
Une oxygénothérapie de déambulation peut être proposée selon les résultats du test de marche de 6 minutes.
Le traitement médicamenteux vise à contrôler la maladie inflammatoire et comporte des immunosuppresseurs (mycophenolate mofetil en 1ère intention ou cyclophosphamide). Les anti-fibrosants peuvent être proposés pour freiner le déclin de la fonction respiratoire. En particulier le nintedanib a obtenu une AMM pour le traitement de la pneumopathie interstitielle diffuse associée à la sclérodermie systémique. Les biothérapies comme le tocilizumab et le rituximab sont des options thérapeutiques à discuter au cas par cas en réunion de concertation pluridisciplinaire comme indiqué dans le PNDS Sclérodermie systémique mis à jour en 2022. La transplantation pulmonaire est une procédure parfois envisagée dans les formes pulmonaires évoluées malgré un traitement bien conduit. Ce projet discuté avant l’âge de 65 ans nécessite un bilan précis des complications pour rechercher d’éventuelles contre-indications, telle une atteinte digestive sévère et non contrôlée.
Mise à jour du 16 Mars 2023. Pr Christian Agard et Pr Luc Mouthon
On vient de poser chez vous le diagnostic de sclérodermie systémique.
Que pouvez-vous faire ?
Demandez des explications et des précisions au médecin qui a posé le diagnostic et/ou au spécialiste de la sclérodermie systémique qui vous prend en charge. Votre cas est unique, les formes de sclérodermie systémique sont multiples et très variables d’un patient à l’autre, seul votre médecin peut vous expliquer le type de votre maladie, son pronostic et les traitements qui vous sont prescrits. N’hésitez pas à lister vos différentes questions.
Sachez que les cas graves de sclérodermie systémiques sont rares, environ 15% des cas. La sclérodermie systémique cutanée diffuse est souvent plus grave que la sclérodermie systémique cutanée limitée, car les atteintes viscérales sont plus fréquentes et plus sévères. La majorité des patients, au moins 70%, ont une sclérodermie systémique cutanée limitée. Les formes graves sont généralement dues à une atteinte pulmonaire, qu’il s’agisse d’une pneumopathie interstitielle diffuse (PID), appelée également fibrose pulmonaire, ou d’une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). La PID est souvent d’évolution lente ; elle peut se stabiliser, notamment quand elle est traitée. Dans 15% des cas, la PID est sévère, avec un risque d’évolution vers l’insuffisance respiratoire. Il est important que vous fassiez régulièrement le point avec votre médecin spécialiste référent pour savoir si vous êtes concerné(e)s par ces complications.
Vous pouvez contacter l’Association des Sclérodermiques de France (ASF) sur www.association-sclerodermie.fr. Vous y rencontrerez d’autres patients ainsi que leurs proches. Certains seront plus malades que vous, d’autres moins, mais tous vivent avec la sclérodermie systémique depuis longtemps. Vous y trouverez écoute, conseils, voire amitié et vous participerez à la lutte contre cette maladie. Comme le GFRS, cette association recueille des fonds pour financer des protocoles de recherche sur la sclérodermie systémique.
Arrêtez de fumer +++ car la sclérodermie systémique est aussi une maladie qui touche les vaisseaux sanguins. La nicotine contenue dans le tabac entraine une vasoconstriction. Attention, si vous ne fumez plus mais que vous utilisez la cigarette électronique, la nicotine est également présente et va entrainer une vasoconstriction. Il faut progressivement diminuer le taux de nicotine dans la vaporette. La consommation de cannabis est également très déconseillée. Le tabac et le cannabis sont des facteurs aggravant le phénomène de Raynaud et peuvent majorer le risque de survenue de plaies des doigts. Votre médecin pourra vous aider à vous sevrer.
Adaptez votre mode de vie : organisez-vous pour avoir suffisamment de temps de repos mais aussi de temps pour un exercice physique adapté à vos possibilités. Aucun régime alimentaire n’a d’effet sur la sclérodermie systémique mais il est évident qu’une alimentation équilibrée, apportant vitamines et oligo-éléments vous fera du bien comme à tout le monde. Si vous avez des troubles digestifs, le meilleur traitement sera d’adapter votre façon de manger selon les conseils de votre médecin. La vidange de l’estomac est souvent lente dans la sclérodermie systémique, et il ne faut pas hésiter à limiter le déjeuner a un seul plat et prendre une collation dans l’après-midi (goûter).
Préservez votre capital musculaire et vos articulations : marche, kinésithérapie +++. Autant que possible il faut maintenir une activité physique. Des auto-exercices quotidiens sont bénéfiques, notamment pour entretenir les mobilités articulaires des doigts et des mains, souvent impactées par la maladie.
Protégez-vous du froid, écharpes (couvrir la région du décolleté), chapeau, vêtements longs et chauds, gants +++ éventuellement doublés de gants en soie sous les gants de ville, afin de limiter les accès de phénomène de Raynaud.
Ne prenez pas de médicament sans avis médical ; certains médicaments comme les béta-bloquants, les anti-migraineux comme les dérivés de l’ergot de seigle ou les collutoires (sprays contenant des vasoconstricteurs prescrits en cas d’écoulement nasal en période hivernale) sont contre-indiqués car ils favorisent la contraction des vaisseaux et aggravent le phénomène de Raynaud.
Vous passez une période difficile de votre vie, essayez de ne pas vous replier sur vous-même. Parler de votre angoisse, de votre révolte et de vos soucis vous fera du bien. Vous avez besoin de l’aide de vos proches. Si vous n’y arrivez pas seul(e), demandez un soutien psychologique pour vous et éventuellement pour votre famille.