Les facteurs de risque Occupationnels dans la Sclérodermie Systémique

Par les Dr Benjamin THOREAU et Elisabeth DIOT ( Maj Avr 2023 )

Qu’est ce qu’un facteur de risque ?

Un facteur de risque ou facteur prédisposant est un facteur (caractéristique physiologique ou pathologique) qui augmente le risque d’apparition d’une maladie par exemple.

Il existe plusieurs types de facteurs prédisposants, comme certains facteurs environnementaux (exposition à des produits chimiques ou physiques, ou des agents infectieux), ou des facteurs de prédisposition génétiques.

Un exemple commun est le risque de maladie cardiovasculaire associée à des facteurs de risque cardiovasculaires reconnus comme l’hypertension artérielle, le tabagisme, le diabète ou l’hyperlipidémie.

Quels sont les facteurs de risque occupationnels dans la Sclérodermie Systémique ?

Plusieurs expositions toxiques occupationnelles sont rapportées comme facteurs prédisposants au développement d’une sclérodermie systémique. Les trois principaux pour lesquels le lien est clairement établi au cours de la sclérodermie systémique sont l’exposition à la silice cristalline, aux solvants (solvants aromatiques, trichloréthylène, halogénés, cétones) et aux résines époxy.

L’exposition à la silice, est principalement rencontrée chez les patients de sexe masculin atteints de sclérodermie systémique, alors que l’exposition aux solvants aromatiques et aux cétones est principalement rencontrée chez les femmes. Ces associations privilégiées sont secondaires aux postes professionnels occupés, exposants à des toxiques spécifiques.

Les postes professionnels pouvant exposer à ces types de toxiques sont le travail en fonderie, les usines métallurgiques, l’industrie chimique et pétrochimique, les services de nettoyage, l’industrie textile et les travaux de teinture.

Quel est l’impact de ces facteurs de risque occupationnels et quelles sont les mesures à entreprendre ?

Les mécanismes exacts de l’impact de ces facteurs de risque occupationnels sur le développement de la maladie restent encore très mal connus.

Par contre, un certain nombre d’association entre des facteurs de risque occupationnels et des atteintes de la maladie a été démontré. Cela est le cas principalement avec l’exposition à la silice, les solvants, les résines epoxy et le développement d’une fibrose cutanée extensive, d’une fibrose pulmonaire associée à la sclérodermie systémique, d’une dégradation de la fonction respiratoire au cours du temps, et d’une atteinte musculaire (myopathie) associée à la sclérodermie systémique.

La découverte d’une sclérodermie systémique doit faire rechercher ces facteurs de risque occupationnels dans l’histoire de vie actuelle ou antérieure des patients. L’objectif est multiple. Tout d’abord, cela permet d’interrompre si possible l’exposition toxique ou permettre une adaptation du poste de travail. Ensuite, concernant l’exposition à la silice, en fonction d’un certain nombre de critères d’imputabilité, cela peut permettre l’ouverture d’un dossier de maladie professionnelle. Pour finir, cela pourrait inciter à adapter le suivi personnalisé des patients atteints de sclérodermie systémique ayant été ou étant exposés à des facteurs de risque occupationnels reconnus. Lien pour le tableau de déclaration de maladie professionnelle de la silice : ici

Identification d’un variant rare du gène ATP8B4 comme facteur de risque dans la SSC

Titre original: Identification of Rare Variants in ATP8B4 as a Risk Factor for Systemic Sclerosis by Whole-Exome Sequencing.

  • Auteurs: Gao L, Emond MJ, Louie T, Cheadle C, Berger AE, Rafaels N, Vergara C, Kim Y, Taub MA, Ruczinski I, Mathai SC, Rich SS, Nickerson DA, Hummers LK, Bamshad MJ, Hassoun PM, Mathias RA; National Heart, Lung, and Blood Institute GO Exome Sequencing Project, Barnes KC.
  • Lien : Arthritis Rheumatol. 2016 Jan;68(1):191-200.
  • Rédacteur du résumé: Dr Michel Laurence, Hôpital St Louis, Paris

Background :

En aout 2013, Okada et Plenge publiaient un éditorial dans Arthritis & Rheumatism proclamant que nous étions à l’ère «du séquençage de l’exome entier dans les pathologies rhumatismales ». Depuis, plusieurs études ont illustré le rôle fonctionnel de variants rares, identifiés par séquençage de l’exome ou de l’ensemble du génome, dans la susceptibilité et la progression des maladies auto-immunes. Dans cette étude, Gao et col. analysent la variation d’exome chez des patients atteints de sclérodermique systémique (SSc), y compris dans un sous-ensemble de patients ayant une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), leur but étant de déterminer la contribution de variants rares comme modificateurs génétiques de l’expressivité, la pénétrance et la gravité de la SSc.

Méthodes :

Un séquençage d’exome a été réalisé chez 78 patients américains ou européens ayant une SSc, avec 35 patients sans hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) et 43 patients atteints d’HTAP. Une association testant la probabilité cas-témoins pour des variants rares a été réalisée en utilisant le test d’association à noyau de séquences unifiées avec une pondération par critère optimal du noyau et ajustement pour échantillon de petite taille en comparant les patients SSc avec une population de référence de 3 179 contrôles de l’ensemble des 5500 données d’exome du « Exome Sequencing Project ». La réplication du génotypage a été réalisée dans un échantillon indépendant de 3 263 patients (415 patients atteints de ScS et 2 848 contrôles). Enfin, le profil d’expression de l’ARN messager a été effectué chez 61 patients atteints de sclérodermie (19 sans HTAP et 42 avec HTAP) et 41 contrôles correspondants.

Résultats :

Les résultats de cette étude cas-témoins décrivent le gène ATP8B4 (transporteur de phospholipides) comme un nouveau locus de susceptibilité et de progression de la sclérodermie, en démontrant une augmentation significative du risque de SSc avec ATP8B4 (P = 2,77 x 10-7). L’association observée entre le gène ATP8B4 et la SSc semble être induite par un seul variant faux-sens parmi les 64 variants du gène ATP8B4 testés : la mutation faux-sens c.1308 C> G (F436L, rs55687265), qui est étiquetée comme dommageable par un algorithme bioinformatique, et associée au risque de SSc (P = 9,35 × 10-10, avec un odds ratio [OR] égal à 6,11). Ceci a été confirmé dans la cohorte de réplication (P = 0,012, OR 1,86) et une méta-analyse (P = 1,92 × 10-7, OR 2.5). D’autres gènes, notamment ceux impliqués dans le complexe ubiquitine E3 ligase-protéine (ASB10) ou encore « cyclic nucleotide gated channelopathies » (CNGB3) ainsi que HLA-DRB5 et HSPB2 (protéine de choc thermique 27) sont également associés à la SSC (P <10-7).

Une expression différentielle de l’ARNm du gène ATP8B4 dans les cellules mononucléées du sang périphérique a été observée chez les patients SSc par rapport aux témoins (P = 0,0005). Mis à part son rôle de transporteur de phospholipides, le gène ATP8B4 n’est pas bien connu et son implication dans une maladie auto-immune est nouvelle. Sa surexpression dans les cellules du sang périphérique des patients SSc ouvre de nouvelles perspectives concernant la pathogenèse de la sclérodermie et le développement de biomarqueurs.

Conclusion :

Ces données montrent que la mutation F436L et la surexpression du gène ATP8B4 sont associées à la sclérodermie chez des patients avec et sans HTAP, identifiant le gène ATP8B4 comme un facteur de risque génétique potentiel pour la SSC et ses complications vasculaires pulmonaires. De façon plus globale, elles contribuent à la masse croissante de preuves de l’implication de variants rares dans les maladies auto-immunes.

 

Références

  • PMID: 26473621 [PubMed – in process]
  • PMCID: PMC4690763
  • doi: 10.1002/art.39449

Identification of Rare Variants in ATP8B4 as a Risk Factor for Systemic Sclerosis by Whole-Exome Sequencing

D’après Gao L, Emond MJ, Louie T, Cheadle C, Berger AE, Rafaels N, Vergara C, Kim Y, Taub MA, Ruczinski I, Mathai SC, Rich SS, Nickerson DA, Hummers LK, Bamshad MJ, Hassoun PM, Mathias RA; National Heart, Lung, and Blood Institute GO Exome Sequencing Project, Barnes KC.

Lien de l’article original: Arthritis Rheumatol. 2016 Jan;68(1):191-200.

 Reporter: Dr Laurence Michel

Background : En aout 2013, Okada et Plenge publiaient un éditorial dans Arthritis & Rheumatism proclamant que nous étions à l’ère «du séquençage de l’exome entier dans les pathologies rhumatismales ». Depuis, plusieurs études ont illustré le rôle fonctionnel de variants rares, identifiés par séquençage de l’exome ou de l’ensemble du génome, dans la susceptibilité et la progression des maladies auto-immunes. Dans cette étude, Gao et col. analysent la variation d’exome chez des patients atteints de sclérodermique systémique (SSc), y compris dans un sous-ensemble de patients ayant une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), leur but étant de déterminer la contribution de variants rares comme modificateurs génétiques de l’expressivité, la pénétrance et la gravité de la SSc.

Méthodes :

Un séquençage d’exome a été réalisé chez 78 patients américains ou européens ayant une SSc, avec 35 patients sans hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) et 43 patients atteints d’HTAP. Une association testant la probabilité cas-témoins pour des variants rares a été réalisée en utilisant le test d’association à noyau de séquences unifiées avec une pondération par critère optimal du noyau et ajustement pour échantillon de petite taille en comparant les patients SSc avec une population de référence de 3 179 contrôles de l’ensemble des 5500 données d’exome du « Exome Sequencing Project ». La réplication du génotypage a été réalisée dans un échantillon indépendant de 3 263 patients (415 patients atteints de ScS et 2 848 contrôles). Enfin, le profil d’expression de l’ARN messager a été effectué chez 61 patients atteints de sclérodermie (19 sans HTAP et 42 avec HTAP) et 41 contrôles correspondants.

Résultats :

Les résultats de cette étude cas-témoins décrivent le gène ATP8B4 (transporteur de phospholipides) comme un nouveau locus de susceptibilité et de progression de la sclérodermie, en démontrant une augmentation significative du risque de SSc avec ATP8B4 (P = 2,77 x 10-7). L’association observée entre le gène ATP8B4 et la SSc semble être induite par un seul variant faux-sens parmi les 64 variants du gène ATP8B4 testés : la mutation faux-sens c.1308 C> G (F436L, rs55687265), qui est étiquetée comme dommageable par un

algorithme bioinformatique, et associée au risque de SSc (P = 9,35 × 10-10, avec un odds ratio [OR] égal à 6,11). Ceci a été confirmé dans la cohorte de réplication (P = 0,012, OR 1,86) et une méta-analyse (P = 1,92 × 10-7, OR 2.5). D’autres gènes, notamment ceux impliqués dans le complexe ubiquitine E3 ligase-protéine (ASB10) ou encore « cyclic nucleotide gated channelopathies » (CNGB3) ainsi que HLA-DRB5 et HSPB2 (protéine de choc thermique 27) sont également associés à la SSC (P <10-7).

Une expression différentielle de l’ARNm du gène ATP8B4 dans les cellules mononucléées du sang périphérique a été observée chez les patients SSc par rapport aux témoins (P = 0,0005). Mis à part son rôle de transporteur de phospholipides, le gène ATP8B4 n’est pas bien connu et son implication dans une maladie auto-immune est nouvelle. Sa surexpression dans les cellules du sang périphérique des patients SSc ouvre de nouvelles perspectives concernant la pathogenèse de la sclérodermie et le développement de biomarqueurs.

Conclusion :

Ces données montrent que la mutation F436L et la surexpression du gène ATP8B4 sont associées à la sclérodermie chez des patients avec et sans HTAP, identifiant le gène ATP8B4 comme un facteur de risque génétique potentiel pour la SSC et ses complications vasculaires pulmonaires. De façon plus globale, elles contribuent à la masse croissante de preuves de l’implication de variants rares dans les maladies auto-immunes.

 

Mots clé (2 à 5) :SSc, HTPA, variant génétique, facteur de risque.

  • PMID: 26473621 [PubMed – in process]
  • PMCID: PMC4690763
  • doi: 10.1002/art.39449