La grossesse chez la femme sclérodermique

Par le Dr Claire De Moreuil ( Maj 01 Avr 2023)

Une grossesse est envisageable chez une femme atteinte de sclérodermie systémique, mais il est préférable de réaliser une consultation pré-conceptionnelle avec son spécialiste référent avant de tomber enceinte, pour évaluer les risques pour soi, pour l’enfant, les moyens de prévention médicamenteuse possibles et planifier un suivi médical rapproché pendant la grossesse et après l’accouchement.

En effet, une grossesse chez une femme atteinte de sclérodermie systémique est une grossesse à risque, et doit être planifiée et suivie étroitement.

Les risques pour la mère sont en lien avec la sévérité de la sclérodermie systémique.

Si la femme présente une atteinte cardiaque et ou pulmonaire évoluée en lien avec la sclérodermie (HTAP, pneumopathie interstitielle diffuse sévère) avant la grossesse, il lui est déconseillé de tomber enceinte, car il existe un risque d’aggravation de la pathologie cardio-pulmonaire pendant la grossesse, et que les médicaments prescrits, en particulier pour l’HTAP, sont contre-indiqués pendant la grossesse.

La femme atteinte de sclérodermie systémique est également à risque de complications vasculo-placentaires pendant la grossesse. Ces complications, liées à un problème de vascularisation du placenta, se manifestent soit par une pré-éclampsie (apparition d’une hypertension artérielle et de protéines dans les urines chez la mère +/- apparition d’oedèmes, de maux de tête, de flou visuel), soit par un retard de croissance intra-utérin (le fœtus ne grossit pas suffisamment car n’est pas bien alimenté par le placenta malade). La survenue de ces pathologies peut être prévenue par la prise d’aspirine à faible dose (100 mg/j par voie orale), dès la fin du 3e mois de grossesse et jusqu’à 35 semaines d’aménorrhée. Ces pathologies sont fréquentes également en population générale et justifient une mesure de la tension artérielle et une analyse d’urines tous les mois à partir de 20 semaines d’aménorrhée et jusqu’à la fin de la grossesse chez toutes les femmes enceintes. L’échographie obstétricale réalisée à chaque trimestre de grossesse permet d’évaluer la croissance du bébé et de voir si les artères utérines qui vascularisent le placenta fonctionnent bien. Ces échographies seront plus fréquentes qu’en population générale chez la femme enceinte atteinte de sclérodermie systémique, à partir du 2e trimestre de grossesse. 

Les formes de sclérodermie systémique les plus à risque pendant la grossesse sont les formes cutanées diffuses (lorsque la sclérose de la peau est présente au-dessus des coudes et/ou au-dessus des genoux), surtout au cours des 5 premières années suivant le diagnostic. Ainsi, les formes de sclérodermie avec une atteinte cutanée limitée sont moins à risque de complications pendant la grossesse.

Avant de débuter une grossesse, votre médecin référent vous proposera une évaluation nutritionnelle et vous proposera si besoin des suppléments vitaminiques et/ou des compléments alimentaires. Il pourra être également nécessaire de fractionner vos repas en plusieurs petits repas pour pouvoir prendre le poids nécessaire pour une bonne croissance de votre bébé, tout en réduisant les symptômes en lien avec le reflux gastrique. Le traitement par inhibiteur de la pompe à protons pourra être majoré si besoin.

Certains médicaments contre-indiqués pendant la grossesse devront être arrêtés et si besoin remplacés avant de tomber enceinte (exemple : méthotrexate, IEC, TRACLEERâ, etc).

Note positive, certains symptômes de la sclérodermie peuvent s’améliorer pendant la grossesse, tels que le phénomène de Raynaud, ou la souplesse de la peau.

La sclérodermie n’est théoriquement transmissible à l’enfant ni par le père ni par la mère. Cependant, vous pouvez transmettre à votre enfant une prédisposition génétique à développer des maladies auto-immunes, qui peuvent aussi bien ne jamais se déclarer.

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