Tocilizumab sous-cutané dans la sclérodermie systémique : étude faSScinate

Titre article original :Safety and efficacy of subcutaneous tocilizumab in systemic sclerosis : results from the open-label period of a phase II randomised controlled trial (faSScinate)

Nom auteurs : Dinesh Khanna, Christopher P Denton, Celia JF Lin, Jacob M van Laar, Tracy M Frech, Marina E Anderson, Murray Baron, Lorinda Chung, Gerhard Fierlbeck, Santhanam Lakshminarayanan, Yannick Allanore, Janet E Pope, Gabriela Riemekasten, Virginia Steen, Ulf Müller-Ladner, Helen Spotswood, Laura Burke, Jeffrey Siegel, Angelika Jahreis, Daniel E Furst..

rédacteur de la veille bibliographique: Dr Benjamin Chaigne, Pr Luc Mouthon

Lien: https://www-ncbi-nlm-nih-gov.gate2.inist.fr/pubmed/29066464

Revue: Annals of the Rheumatic Diseases

Contexte:: Le tocilizumab est un anticorps monoclonal ciblant la chaine α du récepteur de l’interleukine-6. L’essai de phase II faSScinate a été réalisé pour évaluer l’efficacité et la tolérance de ce biomédicament chez des patients atteints de sclérodermie systémique (ScS). Bien que le critère de jugement principal n’ait pas été atteint à l’issue de l’étude (48 semaines), une diminution du score cutané modifié de Rodnan (mRSS) avait été constatée. Cet article rapporte la prolongation de l’étude faSScinate dans un essai ouvert de 48 semaines supplémentaires.

Méthodes:: L’essai faSScinate était une étude contrôlée, prospective, randomisée, internationale, multicentrique évaluant la dose de 162mg sous–cutané hebdomadaire de tocilizumab vs placebo. Dans cette étude ouverte, sans groupe contrôle, tous les patients ayant participé à faSScinate avaient l’opportunité de recevoir pour 48 semaines le traitement.
Les critères d’inclusion étaient ceux de l’étude faSScinate.
Les critères de jugements étaient évalués à 96 semaines et comprenaient les proportions de patients avec une amélioration du mRSS de 20, 40 ou 60%, les proportions de patients ayant une amélioration clinique significative de leur mRSS (supérieure ou égale à 4.7), le score mRSSS, les pourcentage de capacité vitale forcée (CVF) et de la diffusion libre du monoxyde de carbone (DLCO) corrigée pour l’hémoglobine, les échelles d’évaluation VAS, HAQ-DI, FACIT, Pruritus 5-D et enfin le taux d’effets secondaires sévères ou non exprimés en nombre d’événements pour 100 patients-année.

Résultats
Des 87 patients inclus dans faSScinate (44 patients recevant le placebo, et 43 recevant le tocilizumab), 31 patients ayant reçu le placebo et 30 patients ayant reçu le biomédicament ont participé à l’étude ouverte et ont reçu le biomédicament pour 48 semaines. Au total, 24 patients ayant initialement reçu le placebo et 27 patients ayant uniquement le tocilizumab ont poursuivi l’étude jusqu’au terme des 96 semaines. L’ensemble des patients avait des caractéristiques cliniques et biologiques similaires au début de l’étude.
A l’issue de faSSCinate, la diminution moyenne (écart-type (intervalle de confiance à 95% 95%CC)) du score mRSS était de 3,1 (6,3 (0,9-5,4)) pour les patients recevant le placebo et de 5.6 (9,1 (2,4-8,9)) pour les patients ayant reçu le biomédicament, sans différence significative.
A 96 semaines, les patients ayant reçu le placebo puis le tocilizumab avaient une diminution totale de 9,4 (5,6 (2,4-8.9)) du mRSS et ceux ayant reçu uniquement le biomédicament avaient une diminution de 9,1 (8,7 (5,6-12,5)).
Parmi les patients ayant poursuivi l’étude jusqu’à 96 semaines, 10/24 (42% (95% IC 22% – 63%)) des patients ayant reçu le placebo puis le tocilizumab et 12/26 (46% (95% IC 27% – 67%)) des patients n’ayant reçu que le tocilizumab, ont eu une diminution de leur CVF; aucun patient n’a eu une diminution de plus 10% de CVF.
Le taux d’infection sévère en nombre/100 patients-année était de (95% IC) 10,9 (3,0-27,9) dans le groupe placebo et de 34,8 (18,0-60,8) dans le groupe tocilizumab à la fin de faSScinate puis de 19,6 (7,2-42,7) dans le groupe ayant initialement reçu le placebo puis le tocilizumab et de 0,0 (0,0-12,2) dans le groupe de patients n’ayant reçu que le tocilizumab.

Limites :
Cette étude comporte d’importantes limites. La principale est que tous les patients ont reçu le biomédicament pendant la phase de prolongation. On constate un taux important d’interruption de traitement et de sortie d’étude. Il n’y a donc pas de groupe contrôle et il n’est pas approprié de comparer les deux groupes

Conclusion :
Les auteurs de ce travail concluent que dans l’ensemble, les résultats de faSScinate et de cet essai ouvert de prolongation, suggèrent que le tocilizumab est associé à un bénéfice cutané et pulmonaire pour les patients atteints de ScS mais que ce traitement augmente le risque d’infection sévère. Ainsi, le tocilizumab pourrait être un traitement de patients avec une ScS aggravative pour lesquels il n’y a que peu d’option thérapeutique.

Perspectives :
Un essai de phase III évaluant le tocilizumab dans la ScS est actuellement en cours.

Références
PMID: 29066464

Mots clés : tocilizumab;faSScinate

EULAR 2015: Essais randomisés contre placebo

eular 2015

Par le Pr Christian AGARD, CHU Nantes

Le congrès de la Société Européenne de Rhumatologie (European League Against Rheumatisms, EULAR) a eu lieu cette année du 10 au 13 juin 2015 dans la ville de Rome, la prestigieuse capitale italienne. Comme d’habitude, le congrès était très riche et la sclérodermie systémique n’était pas en reste. Vous trouverez ci dessous le résumé des données communiquées à ce congrès sur notre pathologie vedette.

  1. Essais randomisés contre placebo
  2. Formes particulières de ScS
  3. Recherche fondamentales et molécules à tester
  4. Recommandations

Le tocilizumab dans les formes diffuses : des résultats encourageants mais non significatifs…

Le tocilizumab (anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur de l’interleukine 6 (IL-6)) a été évalué à la dose de 162 mg en une injection sous cutanée par semaine chez 87 patients ayant une sclérodermie systémique (ScS) diffuse de diagnostic récent dans le cadre d’une étude randomisée contre placébo, l’étude FASSCINATE (Khanna D, et al).

A 24 puis à 48 semaines, l’amélioration du score de Rodnan modifié était plus importante dans le groupe traité par tocilizumab (-6,33 en moyenne) que dans le groupe placébo (-2,77) mais cette différence n’était pas statistiquement significative. Il n’y avait pas non plus de différence significative sur le score de handicap global HAQ et le score de fatigue FACIT. A 48 semaines, la détérioration de la capacité vitale forcée (CVF) était moindre dans le groupe tocilizumab. La tolérance du tocilizumab était jugée satisfaisante, mais on notait une infection pulmonaire fatale chez un patient. Une étude de phase III est en cours de mise en place.

Absence d’effet préventif du macitentan sur les ulcérations digitales ischémiques…

Deux essais randomisés contrôlés (DUAL-1, DUAL-2) ont testé le macitentan, nouvel inhibiteur de l’endothéline-1, pour prévenir les ulcérations digitales (UD) ischémiques de la ScS (Denton CP, et al.). Ces 2 études ont inclus plus de 500 patients au total. Aucun effet bénéfique du macitentan n’a pu être observé à 16 semaines, même chez les patients ayant de nombreuses UD à l’inclusion, ce qui a conduit à interrompre prématurément l’étude DUAL-2. Les auteurs émettent l’hypothèse que les UD sont bien mieux prises en charge (traitement local notamment) qu’il y a 10 ans (date des études avec le bosentan) et que le délai de 16 semaines est probablement trop court pour observer un effet.

Le sildénafil en traitement curatif des UD, une étude négative mais des tendances intéressantes…

L’étude multicentrique française SEDUCE a inclus 83 patients (192 UD) randomisés pour recevoir en aveugle du sildénafil 20mg 3x/j ou du placébo pendant 12 semaines (Hachulla E., et al.). Un tiers des patients était sous bosentan à titre préventif. L’objectif principal, qui était de démontrer un délai moyen plus court de cicatrisation des UD sous sildénafil, n’a pas été atteint. Néanmoins, à S12, le nombre moyen d’UD était moins important dans le groupe sildénafil (0,86) que dans le groupe placébo (1,51, p=0,01) et le taux de cicatrisation était meilleur. Les patients sous bosentan à l’inclusion semblaient davantage tirer de bénéfice du sildénafil. Dans cette étude, la cicatrisation des UD sous placébo a été jugée plus importante que prévue, possiblement grâce à de meilleurs soins locaux qu’autrefois.

Inhiber le LPA par la molécule SAR100842, étude de phase 2 chez 32 patients…

Des données expérimentales ont décrit le rôle de l’acide lysophosphatidique (LPA) dans la pathogénie de la ScS. La molécule SAR100842, inhibiteur oral du récepteur du LPA, a été évaluée dans la ScS diffuse récente (inf36 mois) dans le cadre d’un essai de phase 2a de 8 semaines (Allanore Y, et al.). Cette étude randomisée contre placébo a inclus 32 patients. Le critère de jugement principal était la tolérance, qui était satisfaisante. A S8, l’amélioration du score de Rodnan était plus importante sous SAR100842 (-4) que sous placébo (-1). Un essai de plus grande envergure est envisagé avec cette molécule.

HTAP : les résultats d’AMBITION s’appliquent au sous-groupe « HTAP des connectivites »…

L’étude AMBITION a comparé 2 stratégies thérapeutiques de l’HTAP : monothérapie par Tadalafil ou Ambrisentan versus traitement combiné d’emblée par Tadalafil+Ambrisentan chez des patients naïfs de tout traitement spécifique de l’HTAP. Sur les 500 patients inclus dans cette étude, 187 ont une HTAP associée à une connectivite (dont 118 cas de ScS), et c’est l’analyse de ce sous-groupe qui a été présentée (Coghlan JG, et al.). Les résultats à S24 sont en faveur du traitement combiné d’emblée. Le délai d’aggravation clinique était retardé de 57% dans le groupe «traitement combiné» par rapport au groupe « monothérapie ». L’évolution du taux de NT-proBNP et celle du test de marche de 6 minutes (T6M) étaient également meilleures dans le groupe recevant la bi-thérapie. Les effets secondaires (œdèmes périphériques) y sont par contre un peu plus fréquents.

Données d’efficacité et de tolérance du riociguat dans l’HTAP des connectivites…

L’analyse des données d’efficacité et de tolérance du Riociguat dans le sous-groupe « HTAP des connectivites » (n=111, dont 66 ScS) des études PATENT-1 et 2 ont été présentées (Denton C, et al.). 71 patients ont été randomisés pour recevoir riociguat 2,5 mg x 3/j, 15 pour recevoir 1,5 mg x 3/j, et 25 pour recevoir le placébo. A S12, la distance moyenne parcourue au T6M était améliorée de 28 mètres sous riociguat 2,5mg, alors qu’elle diminuait de 8 mètres dans le groupe placébo. Cette amélioration était inférieure à celle observée pour l’ensemble des patients de PATENT-1 (+36m). La survie à 2 ans était de 95%. La tolérance était similaire à celle notée pour l’ensemble des patients de l’étude.

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