Sclérodermie: Que pouvez vous faire?

Mise à jour du 16 Mars 2023. Pr Christian Agard et Pr Luc Mouthon

On vient de poser chez vous le diagnostic de sclérodermie systémique.

Que pouvez-vous faire ?

Demandez des explications et des précisions au médecin qui a posé le diagnostic et/ou au spécialiste de la sclérodermie systémique qui vous prend en charge. Votre cas est unique, les formes de sclérodermie systémique sont multiples et très variables d’un patient à l’autre, seul votre médecin peut vous expliquer le type de votre maladie, son pronostic et les traitements qui vous sont prescrits. N’hésitez pas à lister vos différentes questions.

Sachez que les cas graves de sclérodermie systémiques sont rares, environ 15% des cas. La sclérodermie systémique cutanée diffuse est souvent plus grave que la sclérodermie systémique cutanée limitée, car les atteintes viscérales sont plus fréquentes et plus sévères. La majorité des patients, au moins 70%, ont une sclérodermie systémique cutanée limitée. Les formes graves sont généralement dues à une atteinte pulmonaire, qu’il s’agisse d’une pneumopathie interstitielle diffuse (PID), appelée également fibrose pulmonaire, ou d’une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). La PID est souvent d’évolution lente ; elle peut se stabiliser, notamment quand elle est traitée. Dans 15% des cas, la PID est sévère, avec un risque d’évolution vers l’insuffisance respiratoire. Il est important que vous fassiez régulièrement le point avec votre médecin spécialiste référent pour savoir si vous êtes concerné(e)s par ces complications.

Vous pouvez contacter l’Association des Sclérodermiques de France (ASF) sur www.association-sclerodermie.fr. Vous y rencontrerez d’autres patients ainsi que leurs proches. Certains seront plus malades que vous, d’autres moins, mais tous vivent avec la sclérodermie systémique depuis longtemps. Vous y trouverez écoute, conseils, voire amitié et vous participerez à la lutte contre cette maladie. Comme le GFRS, cette association recueille des fonds pour financer des protocoles de recherche sur la sclérodermie systémique.

Arrêtez de fumer +++ car la sclérodermie systémique est aussi une maladie qui touche les vaisseaux sanguins. La nicotine contenue dans le tabac entraine une vasoconstriction. Attention, si vous ne fumez plus mais que vous utilisez la cigarette électronique, la nicotine est également présente et va entrainer une vasoconstriction. Il faut progressivement diminuer le taux de nicotine dans la vaporette. La consommation de cannabis est également très déconseillée. Le tabac et le cannabis sont des facteurs aggravant le phénomène de Raynaud et peuvent majorer le risque de survenue de plaies des doigts. Votre médecin pourra vous aider à vous sevrer.

Adaptez votre mode de vie : organisez-vous pour avoir suffisamment de temps de repos mais aussi de temps pour un exercice physique adapté à vos possibilités. Aucun régime alimentaire n’a d’effet sur la sclérodermie systémique mais il est évident qu’une alimentation équilibrée, apportant vitamines et oligo-éléments vous fera du bien comme à tout le monde. Si vous avez des troubles digestifs, le meilleur traitement sera d’adapter votre façon de manger selon les conseils de votre médecin. La vidange de l’estomac est souvent lente dans la sclérodermie systémique, et il ne faut pas hésiter à limiter le déjeuner a un seul plat et prendre une collation dans l’après-midi (goûter).

Préservez votre capital musculaire et vos articulations : marche, kinésithérapie +++. Autant que possible il faut maintenir une activité physique. Des auto-exercices quotidiens sont bénéfiques, notamment pour entretenir les mobilités articulaires des doigts et des mains, souvent impactées par la maladie.

Protégez-vous du froid, écharpes (couvrir la région du décolleté), chapeau, vêtements longs et chauds, gants +++ éventuellement doublés de gants en soie sous les gants de ville, afin de limiter les accès de phénomène de Raynaud.

Ne prenez pas de médicament sans avis médical ; certains médicaments comme les béta-bloquants, les anti-migraineux comme les dérivés de l’ergot de seigle ou les collutoires (sprays contenant des vasoconstricteurs prescrits en cas d’écoulement nasal en période hivernale) sont contre-indiqués car ils favorisent la contraction des vaisseaux et aggravent le phénomène de Raynaud.

Vous passez une période difficile de votre vie, essayez de ne pas vous replier sur vous-même. Parler de votre angoisse, de votre révolte et de vos soucis vous fera du bien. Vous avez besoin de l’aide de vos proches. Si vous n’y arrivez pas seul(e), demandez un soutien psychologique pour vous et éventuellement pour votre famille.

Focus sur : Le score de Rodnan

Le score de Rodnan

Ce score est une proposition de standardisation de mesure de l’atteinte de la peau dans la sclérodermie; il existe des variantes mais les différentes zones du corps sont cotées entre 0 et 3  en fonction de la possibilité de plissement de la peau.

La somme des sites à évaluer indique un nombre qui définit le score à un moment donné. Cette mesure demande un certain entraînement.

Score Rodnan  figure

Score Rodnan figure

Vous pouvez également utiliser le calculateur automatique ici

RODNAN-GFRS-2019

Quel est le bilan de départ et le bilan de suivi ?

Quel est le bilan de départ et le bilan de suivi ?

Lors du diagnostic de sclérodermie: S’il s’agit d’une sclérodermie localisée, aucun bilan autre que cutané n’est nécesssaire. Par contre le relevé précis des zones touchées, par un schéma et si besoin des photos sera indispensable pour le suivi. Pour cela il faudra évidemment que le médecin examine le malade dévêtu de la tête aux pieds.

S’il s’agit d’une sclérodermie systémique, il faut :

Pour les poumons, au minimum une auscultation attentive des poumons pour rechercher des râles crépitants aux bases, complétée par une radiographie des poumons et en cas de doute par un scanner en coupes fines et par des épreuves fonctionnelles respiratoires avec mesure de la diffusion de l’oxyde de carbone (DLCO). En cas d’HTAP, test de marche de 6 minutes.

Pour le cœur, une auscultation suivie d’un électrocardiogramme et d’une échographie; celle ci doit vérifier le péricarde, évaluer les paramètres de remplissage et de contraction du cœur, et enfin mesurer la pression pulmonaire.

Pour le tube digestif, il faut une endoscopie au minimum et s’il y a un doute une manométrie et une pH métrie des 24 heures. S’il y a amaigrissement, un test de pullulation microbienne (breath-test à l’urée) et un test d’absorption (test au D-xylose) peuvent être recommandés. Le degré de diarrhée/constipation doit être noté de même que la continence anale.

Pour les reins, un dosage de créatinine sanguine et une recherche de protéines dans les urines.

Pour les autres atteintes, la clinique dicte les examens à faire. Une évaluation de la peau par le score de Rodnan modifié est utile pour le classement et le suivi.

Enfin l’évaluation du système locomoteur (os, tendons, articulations) est essentiellement clinique. Des radiographies simples pourront aider à faire l’inventaire exact des calcinoses.

S’il y a un doute sur le phénomène de Raynaud, une capillaroscopie peut être utile.

Lors du suivi, les examens ci-dessus sont en principe répétés tous les ans. Cette recommandation est modulable selon les problèmes précis de chacun.

Diaporama: Nouveaux outils pour le diagnostic de la Sclérodermie et de la Polyarthrite Rhumatoïde

Rédacteur(s) Principal : Fanny Arnoux, étudiante en Thèse
Lieu et date de première présentation du document: 20/11/2013, Paris St Louis, journée annuelle du GFRS

Développer de nouveaux outils pour le diagnostic de la Sclérodermie et de la Polyarthrite Rhumatoïde

34-picMon projet de thèse s’intéresse à la sclérodermie (SSc) et la polyarthrite rhumatoïde (PR).

Trois nouveaux autoanticorps ont été mis en évidence à l’aide de puces à protéines.

-Les autoanticorps anti THEX1 (Three prime Histone mRNA EXonuclease1) identifient environ 65% des patients SSc qui n’ont pas d’autoanticorps anti-topoisomérase I et d’autoanticorps anti-centromères.

-Les autoanticorps anti WIBG (within BGCN homolog (Drosophila)) identifient 30% des PR débutantes.

-Les autoanticorps anti BRAF (v raf murine sarcoma viral oncogene homologue B1 catalytic domain) identifient 30% des PR qui n’ont pas d’anticorps anti CCP. L’intérêt de ces marqueurs est d’identifier des patients au début de leur maladie ou des patients qui n’ont pas les principaux autoanticorps déjà connus dans le diagnostic de la SSc et de la PR. Le but de cette première année de thèse est de:
1/ confirmer la spécificité et la sensibilité de ces marqueurs protéiques sur un plus grand de patients et de contrôles.
2/ procéder à une cartographie épitopique de ces marqueurs protéiques de façon à développer un kit diagnostique de la SSc et de la PR avec les peptides immunogènes identifiés

 

 Voir le Diaporama

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Co rédacteurs : Azzouz D1., Auger I. 1, Roudier J.1, 2 et Lambert N.C.1
Relecteur(s) du Conseil scientifique du GFRS : Nathalie Lambert, UMRs 1097

Autogreffe

La technique improprement appelée “autogreffe” porte en réalité le nom de “Intensification thérapeutique suivie d’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques”.

L’idée part du fait que la sclérodermie est une maladie due au système immunitaire; celui-ci, au lieu de défendre votre corps contre les agressions extérieures, se met à l’attaquer; donc, si on neutralise le système immunitaire, on obtiendra une guérison ou du moins une amélioration significative. Cette neutralisation du système immunitaire s’obtient avec des médicaments appelés immunosupresseurs.

Mais, neutraliser le système immunitaire, cela signifie que pendant tout le temps qu’il mettra à se reconstruire, vous serez une proie facile pour tous les microbes et virus qui vont passer, y compris ceux que vous hébergez de façon tout à fait normale dans votre nez, votre bouche, vos intestins, sur votre peau. Pour abréger cette période dangereuse, on a recours a la greffe (qui se fait par une injection intraveineuse) de cellules souches hématopoïétiques (les cellules souches sont celles qui sont capables de faire repousser la moelle). Auto greffe, parce que ce sont vos propres cellules, prélevées à l’avance et stockées au congélateur que l’on vous injecte.

C’est un traitement lourd, que l’on réserve à des malades gravement atteints par une sclérodermie systémique diffuse mais dont les organes vitaux sont en état de le supporter. Sa réalisation demande une hospitalisation en service d’hématologie.

Le traitement commence, à l’hôpital dans un service d’hématologie, par une chimiothérapie (endoxan) dite “de mobilisation”. Cette chimiothérapie provoque, par réaction, une forte production par votre moëlle osseuse de cellules souches hématopoïétiques, c’est à dire les cellules qui vont donner naissance aux globules du sang. Et ces cellules souches, qui normalement restent dans la moëlle, passent brièvement dans le sang circulant.

 

On va donc vous les prélever au bras comme pour un don du sang. La machine récupère les cellules et le reste du sang est immédiatement réinjecté. Les cellules souches sont ensuite triées pour enlever les lymphocytes T incriminés dans la physiopathologie de la sclérodermie puis stockées au congélateur.

Le traitement lui même peut commencer : c’est une injection massive d’endoxan. toutes les précautions sont prises pour que vous soyez à l’abri des infections; les services d’hématologie maîtrisent très bien les procédés nécessaires.

Enfin, après un délai de quelques jours, reconstitution de vos défenses immunitaires (que votre corps est en train de refaire, la greffe permet simplement d’abréger la période dangereuse) par l’injection, la “greffe” de vos cellules souches décongelées.

Une étude française sur 11 patients a montré pour 8 d’entre eux une amélioration ou une stabilisation de leur état avec une baisse significative de la sclérose cutanée mesurée par le score de Rodnan. Cette amélioration persistait pour 5 d’entre eux après 8 mois.