Riociguat en traitement de la sclérodermie systémique cutanée diffuse de forme précoce (RISE-SSc) : une étude multicentrique, randomisée, en double aveugle, contrôlée contre placebo

Khanna D, Allanore Y, Denton CP, Kuwana M, Matucci-Cerinic M, Pope JE, et al. Riociguat in patients with early diffuse cutaneous systemic sclerosis (RISE-SSc): randomised, double-blind, placebo-controlled multicentre trial. Ann Rheum Dis. mai 2020;79(5):618-25. (PubMed)

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Résumé par le Docteur Nihal MARTIS (CHU Nice)

Introduction: Le riociguat, un inducteur de la guanylate cyclase soluble, est autorisé en traitement de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). La molécule a des effets anti-inflammatoires, anti-fibrosants et anti-prolifératifs décrits dans les modèles animaux de fibrose tissulaire. L’objectif était d’évaluer l’efficacité et la sécurité du riociguat chez des patients présentant une sclérodermie systémique cutanée diffuse (ScSd) de forme précoce et à risque élevé de progression de la fibrose cutanée.

Matériel et méthodes: Cette étude multicentrique de phase IIb, randomisée 1:1, en double aveugle, contrôlée contre placebo a recruté des sujets adultes présentant un ScSd d’évolution inférieure à 18 mois et un score cutané modifié de Rodnan (mRSS) coté entre 10 et 12. Les autres critères d’inclusion étaient : une capacité vitale forcée (CVF) ≥45%et une DLCO ≥40% lors de la phase de screening. Ces patients recevaient 0,5 à 2,5 mg (n=60) de riociguat, 3fois par jour, ou le placebo (n=61). Le critère principal de jugement était une modification du mRSS depuis l’inclusion jusqu’à la 52ème semaine (S52). Les analyses secondaires s’intéressaient aux Index composite de réponse de l’American College of Rheumatology (ACR CRISS), l’index d’incapacité (HAQ-DI), l’évaluation globale par le patient et par le médecin, et l’évolution de laCVF.

Résultats: A S52, la modification du mRSS depuis l’inclusion était de –2,09±5,66 (n=57) dans le groupe riociguat et de –0,77±8,24 (n=52) dans le groupe placebo. La différence de score entre les deux groupes était de –2,34 (IC95% –4,99 à 0,30 ; p=0,08). Chez les patients avec une pneumopathie interstitielle diffuse, la CVF avait baissé de 2,7% dans le groupe riociguat versus 7,6% avec le placebo. A S14, le Raynaud’s condition scoremoyen s’était amélioré de plus de 50%chez 19/46 patients et chez 13/50 chez ceux sous placebo. Il n’a pas été montré de nouveaux effets indésirables avec le riociguat ni de décès imputable au traitement.

Conclusion: Résumé fait par la filière FAI2RLe riociguat n’apporte pas de bénéfice significatif sur l’amélioration du mRSS par rapport auplacebo. Les analyses en sous-groupe ont montré des signaux (comme la modification de CVF) à explorer dans de futurs essais cliniques.

EULAR 2015: Essais randomisés contre placebo

eular 2015

Par le Pr Christian AGARD, CHU Nantes

Le congrès de la Société Européenne de Rhumatologie (European League Against Rheumatisms, EULAR) a eu lieu cette année du 10 au 13 juin 2015 dans la ville de Rome, la prestigieuse capitale italienne. Comme d’habitude, le congrès était très riche et la sclérodermie systémique n’était pas en reste. Vous trouverez ci dessous le résumé des données communiquées à ce congrès sur notre pathologie vedette.

  1. Essais randomisés contre placebo
  2. Formes particulières de ScS
  3. Recherche fondamentales et molécules à tester
  4. Recommandations

Le tocilizumab dans les formes diffuses : des résultats encourageants mais non significatifs…

Le tocilizumab (anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur de l’interleukine 6 (IL-6)) a été évalué à la dose de 162 mg en une injection sous cutanée par semaine chez 87 patients ayant une sclérodermie systémique (ScS) diffuse de diagnostic récent dans le cadre d’une étude randomisée contre placébo, l’étude FASSCINATE (Khanna D, et al).

A 24 puis à 48 semaines, l’amélioration du score de Rodnan modifié était plus importante dans le groupe traité par tocilizumab (-6,33 en moyenne) que dans le groupe placébo (-2,77) mais cette différence n’était pas statistiquement significative. Il n’y avait pas non plus de différence significative sur le score de handicap global HAQ et le score de fatigue FACIT. A 48 semaines, la détérioration de la capacité vitale forcée (CVF) était moindre dans le groupe tocilizumab. La tolérance du tocilizumab était jugée satisfaisante, mais on notait une infection pulmonaire fatale chez un patient. Une étude de phase III est en cours de mise en place.

Absence d’effet préventif du macitentan sur les ulcérations digitales ischémiques…

Deux essais randomisés contrôlés (DUAL-1, DUAL-2) ont testé le macitentan, nouvel inhibiteur de l’endothéline-1, pour prévenir les ulcérations digitales (UD) ischémiques de la ScS (Denton CP, et al.). Ces 2 études ont inclus plus de 500 patients au total. Aucun effet bénéfique du macitentan n’a pu être observé à 16 semaines, même chez les patients ayant de nombreuses UD à l’inclusion, ce qui a conduit à interrompre prématurément l’étude DUAL-2. Les auteurs émettent l’hypothèse que les UD sont bien mieux prises en charge (traitement local notamment) qu’il y a 10 ans (date des études avec le bosentan) et que le délai de 16 semaines est probablement trop court pour observer un effet.

Le sildénafil en traitement curatif des UD, une étude négative mais des tendances intéressantes…

L’étude multicentrique française SEDUCE a inclus 83 patients (192 UD) randomisés pour recevoir en aveugle du sildénafil 20mg 3x/j ou du placébo pendant 12 semaines (Hachulla E., et al.). Un tiers des patients était sous bosentan à titre préventif. L’objectif principal, qui était de démontrer un délai moyen plus court de cicatrisation des UD sous sildénafil, n’a pas été atteint. Néanmoins, à S12, le nombre moyen d’UD était moins important dans le groupe sildénafil (0,86) que dans le groupe placébo (1,51, p=0,01) et le taux de cicatrisation était meilleur. Les patients sous bosentan à l’inclusion semblaient davantage tirer de bénéfice du sildénafil. Dans cette étude, la cicatrisation des UD sous placébo a été jugée plus importante que prévue, possiblement grâce à de meilleurs soins locaux qu’autrefois.

Inhiber le LPA par la molécule SAR100842, étude de phase 2 chez 32 patients…

Des données expérimentales ont décrit le rôle de l’acide lysophosphatidique (LPA) dans la pathogénie de la ScS. La molécule SAR100842, inhibiteur oral du récepteur du LPA, a été évaluée dans la ScS diffuse récente (inf36 mois) dans le cadre d’un essai de phase 2a de 8 semaines (Allanore Y, et al.). Cette étude randomisée contre placébo a inclus 32 patients. Le critère de jugement principal était la tolérance, qui était satisfaisante. A S8, l’amélioration du score de Rodnan était plus importante sous SAR100842 (-4) que sous placébo (-1). Un essai de plus grande envergure est envisagé avec cette molécule.

HTAP : les résultats d’AMBITION s’appliquent au sous-groupe « HTAP des connectivites »…

L’étude AMBITION a comparé 2 stratégies thérapeutiques de l’HTAP : monothérapie par Tadalafil ou Ambrisentan versus traitement combiné d’emblée par Tadalafil+Ambrisentan chez des patients naïfs de tout traitement spécifique de l’HTAP. Sur les 500 patients inclus dans cette étude, 187 ont une HTAP associée à une connectivite (dont 118 cas de ScS), et c’est l’analyse de ce sous-groupe qui a été présentée (Coghlan JG, et al.). Les résultats à S24 sont en faveur du traitement combiné d’emblée. Le délai d’aggravation clinique était retardé de 57% dans le groupe «traitement combiné» par rapport au groupe « monothérapie ». L’évolution du taux de NT-proBNP et celle du test de marche de 6 minutes (T6M) étaient également meilleures dans le groupe recevant la bi-thérapie. Les effets secondaires (œdèmes périphériques) y sont par contre un peu plus fréquents.

Données d’efficacité et de tolérance du riociguat dans l’HTAP des connectivites…

L’analyse des données d’efficacité et de tolérance du Riociguat dans le sous-groupe « HTAP des connectivites » (n=111, dont 66 ScS) des études PATENT-1 et 2 ont été présentées (Denton C, et al.). 71 patients ont été randomisés pour recevoir riociguat 2,5 mg x 3/j, 15 pour recevoir 1,5 mg x 3/j, et 25 pour recevoir le placébo. A S12, la distance moyenne parcourue au T6M était améliorée de 28 mètres sous riociguat 2,5mg, alors qu’elle diminuait de 8 mètres dans le groupe placébo. Cette amélioration était inférieure à celle observée pour l’ensemble des patients de PATENT-1 (+36m). La survie à 2 ans était de 95%. La tolérance était similaire à celle notée pour l’ensemble des patients de l’étude.

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