Le visage de la sclérodermie

Par le Dr Audrey Benyamine: Maj du 07 Mars 2023

Comment le visage peut-il être touché dans cette maladie ?

Les changements esthétiques, le handicap lié à l’atteinte buccale, et l’altération de l’image de soi concernent presque tous les patients atteints de Sclérodermie.

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L’atteinte du visage liée à la sclérose de la peau est caractéristique :

-Les autres modifications pouvant être observées sont :

  • les télangiectasies qui sont des petites taches rouges dues à la dilatation des petits vaisseaux au niveau de la face, des lèvres et de l’intérieur de la bouche
Img 3 et 4 : Télangiectasies au niveau de la langue et du visage
  • -les modifications de pigmentation à type de dépigmentation et d’hyperpigmentation
Img 5 : Dépigmentation du pourtour des lèvres
  • -l’amincissement des lèvres et la réduction de la largeur buccale (microchéilie) et de l’ouverture buccale (microstomie)
Img 6 et 7 : Limitation de l’ouverture buccale
  • La sécheresse de la peau et muqueuse avec le syndrome sec oculaire et salivaire
  • Les atteintes osseuses et articulaires de la mâchoire à l’origine de douleurs.

Ces modifications interfèrent avec l’alimentation, la parole et sont à l’origine de problèmes bucco-dentaires, fréquents chez les patients atteints de Sclérodermie (lien vers la bouche de la sclérodermie systémique).

Comment évalue-t-on l’atteinte du visage ?

Le médecin évalue la fibrose du visage tout comme celle du corps par le score de Rodnan (lien vers le site).

Il suit l’évolution de l’ouverture buccale en mesurant la distance entre les incisives du haut et celles du bas, ou entre les lèvres.

Le score de MHISS (Mouth Handicap In Systemic Sclerosis) s’utilise dans les études pour évaluer le retentissement de l’atteinte de la bouche et évaluer l’efficacité des traitements dans les études cliniques. Le questionnaire BoFA (Burden of Face Affected) est un auto-questionnaire récemment élaboré afin d’apprécier le retentissement de l’atteinte du visage et le handicap ressenti chez les patients atteints de sclérodermie

Que faire pour l’atteinte du visage ?

Pour lutter contre la sècheresse de la peau, il est recommandé de l’hydrater avec des crèmes émollientes conseillées par votre médecin et la protéger du soleil.

Le maquillage correcteur peut aider à dissimuler les télangiectasies. Certains programmes d’Education Thérapeutique Patient (ETP) proposent des ateliers dédiés. Le laser peut être proposé dans un deuxième temps mais son effet est généralement temporaire.

Une aide psychologique peut être nécessaire pour accepter cette nouvelle image de soi

Pour le syndrome sec oculaire, des larmes artificielles peuvent être utilisées et pour le syndrome sec salivaire des substituts salivaires ou des médicaments stimulant la sécrétion salivaire. On peut diminuer la gêne liée à l’atteinte buccofaciale grâce à la prévention buccodentaire et à la kinésithérapie maxillo-faciale à débuter précocement avec des exercices quotidiens (lien vers la bouche de la sclérodermie systémique)

Distribution des télangiectasies sur l’ensemble du corps au cours de la ScS…

Titre: Whole-Body Distribution and Clinical Association of Telangiectases in Systemic Sclerosis

«Distribution des télangiectasies sur l’ensemble du corps au cours de la sclérodermie systémique et association de ce paramètre aux autres manifestations cliniques de la maladie.

Auteurs:Jouvray M, Launay D, Dubucquoi S, Sobanski V, Podevin C, Lambert M, et al

Revue: JAMA Dermatology. 2018 Jul 1;154(7):796.
PMID:29799952

Lien :https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29799952

Auteur de la veille bibliographique: Dr Alain LESCOAT (Rennes)

 

Introduction : Les télangiectasies font désormais partie des critères de la classification ACR/EULAR 2013 de la sclérodermie systémique (SSc). La présence de télangiectasies est un marqueur associé à la présence d’hypertension pulmonaire précapillaire (HTAP) et utilisé dans l’algorithme de dépistage DETECT-PAH. Ce travail publié dans le numéro de juillet 2018 de JAMA dermatology explore deux questions cliniques très concrètes concernant les télangiectasies au cours de la SSc : le nombre total de télangiectasies cutanées sur l’ensemble du corps est-il un marqueur de la sévérité de la vasculopathie associée à la maladie et, peut-on simplifier ce décompte des télangiectasies en le restreignant à certaines zones du corps sans perdre en pertinence clinique ?

Méthodes : Il s’agit d’une étude transversale monocentrique incluant 106 patients atteints de SSc définie selon les critères ACR/EULAR 2013 de la maladie. Le nombre de télangiectasies réparties sur l’ensemble du corps était spécifiquement évalué par un même observateur. Les autres caractéristiques cliniques de la maladie étaient évaluées de manière simultanée (au moins dans l’année précédant le compte des télangiectasies). La présence d’une HTAP était en particulier évaluée selon les recommandations actuelles (cathétérisme cardiaque droit confirmant la présence ou non d’une hypertension artérielle pulmonaire pré-capillaire en cas de données échographiques invitant à la réalisation du cathétérisme).Il s’agit d’une étude transversale monocentrique incluant 106 patients atteints de SSc définie selon les critères ACR/EULAR 2013 de la maladie. Le nombre de télangiectasies réparties sur l’ensemble du corps était spécifiquement évalué par un même observateur. Les autres caractéristiques cliniques de la maladie étaient évaluées de manière simultanée (au moins dans l’année précédant le compte des télangiectasies). La présence d’une HTAP était en particulier évaluée selon les recommandations actuelles (cathétérisme cardiaque droit confirmant la présence ou non d’une hypertension artérielle pulmonaire pré-capillaire en cas de données échographiques invitant à la réalisation du cathétérisme).

Résultats: Sur les 106 patients évalués, 98 présentaient, au moins, une télangiectasie (quelle que soit la taille) et 55 présentaient au moins une télangiectasie de plus de 5 mm. Le nombre total de télangiectasies sur l’ensemble du corps était en particulier corrélé au nombre de télangiectasies comptées sur le visage (r=0,89 ; p<0.001), sur les membres supérieurs (r=0,87 ; p<0.001) et sur les mains (r=0,77 ; p<0.001).
Après ajustement sur l’âge, le sexe, le tabagisme, la durée de la maladie, l’atteinte cutanée (limitée vs diffuse) et le type d’autoanticorps, un nombre plus élevé de télangiectasies était associé à une durée de la maladie plus grande, à des scores plus élevés d’activité de la maladie (EUSTAR et Medsger), à une DLCO inférieure à 60%, à des valeurs de PAPs plus élevées, aux stades actif et tardif en capillaroscopie, à un antécédent d’embolie pulmonaire, à des taux plus élevés de CRP, à des taux plus élevés d’endogline soluble et à la présence d’une HTAP (retrouvée chez 12 patients soit 11,3% de la population étudiée). Il n’y avait par contre pas d’association entre le nombre de télangiectasies et l’antécédent d’ulcère digital.
L’analyse multivariée évaluant plus spécifiquement les facteurs de sévérité de la vasculopathie retrouvait une association indépendante et significative du nombre total de télangiectasies avec le sexe masculin, l’antécédent d’embolie pulmonaire, un débit de filtration glomérulaire plus faible, des taux plus élevés d’endogline soluble et la présence d’une HTAP.
L’analyse des courbes ROC confirmait la pertinence du nombre total de télangiectasies comme facteur déterminant la présence d’une HTAP en cathétérisme cardiaque droit (Aire sous la courbe / AUC à 0,77 ; IC95% 0,57-0,88). Le nombre de télangiectasies présentes seulement sur les mains et le visage restait pertinent pour prédire la présence d’une HTAP en cathétérisme cardiaque droit (AUC à 0,81 ; IC95% 0,57-0,91).

Conclusion : Le nombre total de télangiectasies évaluées sur l’ensemble du corps est un marqueur vasculaire, en particulier associé à la présence d’une HTAP. La majorité des télangiectasies était retrouvée sur le visage, la partie supérieure du tronc et les mains. Le décompte restreint des télangiectasies situées sur le visage et les mains semblait pertinent pour prédire la présence d’une HTAP au cathétérisme cardiaque droit. Cette étude transversale renforce donc l’importance du nombre de télangiectasies comme marqueur de sévérité de la vasculopathie sclérodermique et suggère en particulier d’être vigilant quant au risque d’HTAP chez les patients présentant un grand nombre de télangiectasies, bien que l’effectif restreint de patients avec HTAP ne permette pas ici de fixer un nombre de télangiectasies comme seuil à risque.