Le treprostinil inhalé dans le traitement de l’hypertension pulmonaire secondaire à une pneumopathie interstitielle

Titre de l’article: Inhaled Treprostinil in Pulmonary Hypertension Due to Interstitial Lung Disease

Auteurs de l’article: Aaron Waxman, M.D., Ph.D., Ricardo Restrepo-Jaramillo, M.D., Thenappan Thenappan, M.D., Ashwin Ravichandran, M.D., Peter Engel, M.D., Abubakr Bajwa, M.D., Roblee Allen, M.D., Jeremy Feldman, M.D., Rahul Argula, M.D., Peter Smith, Pharm.D., Kristan Rollins, Pharm.D., Chunqin Deng, M.D., Ph.D., Leigh Peterson, Ph.D., Heidi Bell, M.D., Victor Tapson, M.D., and Steven D. Nathan, M.D.

Journal: New England Journal of Medicine, Date de publication: 28 janvier 2021

Numéro PMID: 33440084 

Résumé par le Dr. Johanne Liberatore et Dr Benjamin Chaigne

Contexte

L’hypertension pulmonaire (HTP) a été rapportée chez 86% des patients avec une pneumopathie interstitielle. Elle entraîne une réduction de la capacité d’exercice, une diminution de la qualité et de l’espérance de vie. Il n’y a, à ce jour, aucun traitement approuvé pour le traitement de l’HTP secondaire aux pneumopathies interstitielles. Des études pilotes suggèrent

Treprostinil

l’efficacité du treprostinil inhalé, analogue de la prostacycline, dans cette indication. L’objectif de ce travail était d’étudier l’efficacité et la sécurité du treprostinil inhalé dans le traitement de l’HTP du groupe 3.

Matériel et méthodes

Cet essai multicentrique, randomisé 1:1, en double-aveugle, contrôlé contre placebo, conduit sur 16 semaines, a inclus des patients majeurs atteints de pneumopathie interstitielle confirmée scanographiquement, avec une HTP confirmée par cathétérisme cardiaque droit, selon la définition en vigueur sur la période d’étude (PAPm ≥ 25 mm Hg, PAPO≤ 15 mm Hg, résistances vasculaires pulmonaires > 3 unités Wood). Les patients devaient être en capacité de marcher plus de 100m pendant 6 min. Ceux atteints d’une HTP secondaire à une connectivite devaient avoir une capacité vitale forcée (CVF) > 70%. Les patients sous traitement anti-fibrosant (pirfenidone ou nintedanib) devaient recevoir une dose stable de traitement depuis au moins 30 jours. Les patients recevant un traitement spécifique de l’HTP autre que celui à l’étude étaient exclus. Le treprostinil inhalé était administré par un dispositif de nébulisation délivrant 6mg par bouffée. Une dose de traitement correspondait à 3 bouffées, avec une escalade de dose progressive jusqu’à une dose cible de 9 bouffées, 4 fois par jour.

Le critère de jugement principal était la modification de la distance parcourue au test de marche de 6 minutes, entre l’inclusion et après 16 semaines de traitement. Les critères de jugement secondaires incluaient la modification du taux de NT-proBNP et la survenue d’une aggravation clinique, définie comme la survenue d’une hospitalisation pour un évènement cardiopulmonaire, une diminution de la distance de marche de plus de 15% par rapport à l’inclusion, la survenue du décès, ou la nécessité d’une transplantation pulmonaire.

Résultats

326 patients au total ont été randomisés, 163 ont été inclus dans le groupe treprostinil inhalé et 163 dans le groupe placebo. L’âge moyen était de 66,5 ans. 28% étaient atteints de fibrose pulmonaire idiopathique, 22% de connectivite, 11% de pneumopathie interstitielle non spécifique.  Après 16 semaines de traitement, la différence moyenne de la modification de la distance de marche entre les deux groupes était de 31,12m [IC 95%, 16,85 à 45,39 ; P < 0,001] en faveur du groupe de patients traités par trepostinil. On notait une réduction de 15% des taux de NT-proBNP par rapport à l’inclusion dans le groupe de patients traités par trepostinil, contre une hausse de 46% dans le groupe placebo (P<0,001). Une aggravation clinique était constatée chez 33 (22,7%) patients dans le groupe de patients traités par treprostinil inhalé, contre 54 (33,1%) patients dans le groupe placebo [HR 0,61 ; IC 95%, 0,40 à 0,92 ; P=0,04]. Il n’y avait pas de différence sur la qualité de vie ou la saturation en oxygène. Les effets indésirables les plus rapportés étaient une toux (43%), des céphalées (27%), une dyspnée (25%), ou des étourdissements (18%). Ces effets étaient similaires dans les deux groupes. Une irritation pharyngée et des douleurs oropharyngées étaient cependant plus fréquentes dans le groupe de patients traités par treprostinil que dans le groupe recevant le placebo (respectivement 12,3% vs 3,7%, P=0,007 ; et 11% vs 2,5%, P=0,003).

Conclusion

Dans cette étude, le treprostinil inhalé a montré une amélioration du test de marche de 6 minutes chez les patients atteints d’hypertension pulmonaire secondaire à une pneumopathie interstitielle, une réduction des taux de NT-pro BNP et une diminution du risque d’aggravation clinique. Les effets indésirables rapportés étaient peu sévères, et similaires à ceux décrits dans les études antérieures.  Les limites de cette étude étaient sa courte durée et un arrêt précoce de l’essai chez 21% des patients. 

Sclérodermie systémique avec hypertension artérielle pulmonaire : Amélioration de la survie des patients âgés de 70 ans et moins sur la période 2006-2017 en France

Introduction : Le dépistage précoce organisé de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) chez les patients sclérodermiques, associé à l’introduction initiale ou séquentielle de combinaisons thérapeutiques chez ces mêmes patients pourraient avoir significativement amélioré leur survie. Cette étude observationnelle vise donc à décrire la survie et l’évolution des stratégies thérapeutiques en vie réelle utilisées en France sur la période 2006-2017.

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Altération de la réserve ventriculaire droite chez les patients présentant une élévation modérée de la pression artérielle pulmonaire au cours de la sclérodermie systémique

Titre original de l’article: Reduced right ventricular output reserve in patients with systemic sclerosis and mildly elevated pulmonary arterial pressures.

Auteurs: Nagel C, Marra AM, Benjamin N, Blank N, Cittadini A, Coghlan G, et al. Reduced right ventricular output reserve in patients with systemic sclerosis and mildly elevated pulmonary arterial pressures.

Revue: Arthritis Rheum 2019 Jan 7 [cited 2019 Jan 21]; Available from: http://doi.wiley.com/10.1002/art.40814 (PubMed)

Auteur de la veille bibliographique:Dr Alain Lescoat (Rennes)? Résumé fait pour la filière FAI2R

Introduction : L’hypertension pulmonaire (HTP) est une complication grave de la sclérodermie systémique (SSc). Les patients sclérodermiques présentant une HTP d’origine précapillaire (HTP du groupe I/ HTAP) secondaire à la dysfonction endothéliale associée à la maladie, ont une survie moins bonne que les patients présentant une HTAP idiopathique. Les recommandations actuelles de l’ESC/ERS 2015 définissent l’HTP par la présence d’une élévation de la pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) ≥ 25 mmHg en cathétérisme cardiaque droit.

Les patients présentant une élévation modérée de la PAPm (PAPm entre 21 et 24 mmHg) ne répondent pas à la définition actuelle d’HTP mais ont pourtant des capacités d’adaptation à l’effort moins bonnes, un risque plus grand de développer une authentique HTP et un pronostic plus sévère en comparaison aux patients présentant une PAPm normale, c’est-à-dire strictement inferieure à 21mmHg. Cette élévation modérée de la PAPm chez ces patients atteints de ScS pourrait refléter une atteinte endothéliale pulmonaire précoce qui pourrait, à terme, justifier d’une prise en charge thérapeutique spécifique. Les auteurs de ce travail proposent donc de mieux caractériser ces patients sclérodermiques présentant une élévation modérée de la PAPm, en comparant l’évolution de leur fonction ventriculaire droite à l’effort et leur compliance artérielle pulmonaire (CAP), à celles de patients présentant une PAPm≤20 mmHg ou une authentique HTP avec PAPm≥25mmHg.

Méthodes : Il s’agit d’une étude prospective incluant 116 patients atteints de ScS. Tous les patients éligibles ont bénéficié d’une évaluation fonctionnelle (test de marche de 6 minutes, questionnaire de dyspnée), d’une échographie cardiaque de repos, d’un cathétérisme cardiaque droit de repos et d’effort. Les patients étaient ensuite répartis en trois groupes selon les données du cathétérisme cardiaque au repos: 1/patients avec PAPm normale (≤20 mmHg), 2/patients avec une authentique HTP (PAPm≥25), et 3/ patients avec élévation modérée de la PAPm (PAPm entre 21 et 24mmHg). L’évolution de la fonction ventriculaire droite au cours de l’effort (index cardiaque (IC) à l’effort par rapport à l’IC au repos) et les données de CAP étaient comparées entre ces 3 groupes.

Résultats : Sur les 116 patients inclus, 112 ont été finalement analysés : 72 patients avec PAPm normale au repos, 14 avec élévation modérée de la PAPm et 26 avec une authentique HTP au repos. Il faut noter que le groupe avec HTP incluait à la fois des patients avec HTP du groupe I (HTAP ; n=10), II (n=8) et III (n=8) selon la classification ESC/ERS. Les patients présentant une élévation modérée de la PAPm présentaient des caractéristiques échographiques cardiaques au repos (volumes des cavités droites, TAPSE, PAPS estimée) comparables à ceux présentant une PAPm normale. Leurs performances au test de marche de 6 minutes étaient par contre significativement moins bonnes. De même, les patients avec une élévation modérée de la PAPm atteignaient en moyenne des paliers de puissance moins élevés que ceux avec une PAPm normale. La CAP était significativement moins bonne dans le groupe avec élévation modérée de la PAPm par rapport au groupe avec PAPm normale, à la fois au repos et à l’effort, quel que soit le palier de puissance atteint. La CAP était corrèlée de manière significative à la performance au test de marche de 6 minutes. Sur le plan des données hémodynamiques, au repos, les résistances vasculaires pulmonaires des patients avec élévation modérée de la PAPm étaient également moins bonnes que dans le groupe avec PAPm normale. Dans le groupe avec PAPm modérément augmentée, les IC étaient similaires à ceux ayant une PAPm normale. Par contre leurs IC à l’effort maximal étaient significativement moins bons que ceux avec PAPm normale et étaient similaires à ceux présentant une authentique HTP, traduisant donc une moins bonne réserve ventriculaire droite dans le groupe avec PAPm modérément augmentée par rapport au groupe à PAPm normale.

Conclusion : Dans cette étude, les auteurs confirment que les patients sclérodermiques avec une PAPm modérément augmentée sans HTP authentique (PAPm entre 21 et 24mmHg) présentent une altération de leurs performances à l’effort et que celle-ci pourrait être liée à une baisse de leur réserve ventriculaire. Les patients de ce groupe ont également une compliance artérielle pulmonaire altérée au repos et à l’effort, ce qui pourrait traduire une atteinte endothéliale pulmonaire déjà importante dans ce groupe. L’impact d’une thérapeutique spécifique précoce, notamment vasodilatatrice, sur le pronostic fonctionnel et la survie de ces patients reste à déterminer.

Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) associée à la sclérodermie systémique.

htapL’HTAP est une maladie chronique caractérisée par une élévation progressive de la pression au niveau de la circulation artérielle pulmonaire, c’est à dire les vaisseaux sanguins qui partent du coeur droit (ventricule droit) pour amener du sang veineux, pauvre en oxygène, vers les poumons. Dans l’HTAP, la résistance à l’écoulement de ce sang est anormalement augmentée et l’évolution se fait vers une diminution progressive du débit cardiaque et une insuffisance cardiaque droite, qui peut être fatale en l’absence de traitement. Lire la suite…