- Titre original: Safety and efficacy of subcutaneous tocilizumab in adults with systemic sclerosis (faSScinate): a phase 2, randomised, controlled trial.
- Auteurs: Khanna D, Denton CP, Jahreis A, van Laar JM, Frech TM, Anderson ME, Baron M, Chung L, Fierlbeck G, Lakshminarayanan S, Allanore Y, Pope JE, Riemekasten G, Steen V, Müller-Ladner U, Lafyatis R, Stifano G, Spotswood H, Chen-Harris H, Dziadek S, Morimoto A, Sornasse T, Siegel J, Furst DE.
- Liens: Lancet. 2016 May 5. pii: S0140-6736(16)00232-4. doi: 10.1016/S0140-6736(16)00232-4. [Epub ahead of print]
- : Guillaume Bonnard, Christian Agard (Médecine Interne, CHU Nantes)
Le tocilizumab
Contexte :
L’interleukine 6 (IL6) semble jouer un rôle dans la pathogénèse de la sclérodermie systémique (ScS). Cette cytokine oriente la différenciation des lymphocytes vers un profil Th17 pro-inflammatoire. De plus, elle favorise la différenciation des fibroblastes en myofibroblates, favorisant la production de protéines de la matrice extra-cellulaire comme le collagène. Les fibroblastes dermiques de patients ayant une ScS sur-expriment l’IL6 de manière constitutive, et ces patients ont aussi une élévation du taux sérique d’IL6, d’autant plus que la fibrose cutanée est sévère, et que l’atteinte interstitielle pulmonaire s’aggrave. Dans des modèles murins de ScS, le blocage de la voie de l’IL6 a un effet anti-fibrosant. Cette étude de phase 2a a pour objectif d’évaluer de façon prospective et randomisée, contre placebo en double aveugle, l’efficacité et la tolérance du tocilizumab, anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur de l’IL6, dans la ScS.
Le tocilizumab empêche la fixation d’IL6 sur son récepteur
Méthodes :
Ont été inclus des patients atteints de ScS diffuse, avec une atteinte cutanée au-delà des coudes et/ou des chevilles. L’évolution de la maladie devait être inférieure à 5 ans depuis l’apparition des premiers signes (hors Raynaud), et avec un score de Rodnan modifié (mRSS) initial entre 15 et 40. La fibrose cutanée devait être évolutive, et associée à au moins un des critères biologiques suivants : CRP≥10mg/L, VS≥28 mm/h, plaquettes≥330G/L.
87 patients ont été inclus, 43 dans le groupe tocilizumab (1 injection hebdomadaire de 162mg par voie SC), et 44 dans le groupe placebo. Le suivi était de 48 semaines. Le principal critère de jugement était l’amélioration du score mRSS à la 24ème semaine. Les critères secondaires étaient l’évaluation du mRSS à 48 semaines et divers scores de qualité de vie et d’évaluation subjective de la maladie (HAQ DI, échelle visuelle analogique patient/clinicien, FACIT score). Les évolutions de la capacité vitale forcée (CVF) et de la diffusion du CO ont également été analysées.
Résultats :
A la 24ème et 48ème semaine, il n’était pas noté de différence significative concernant la variation du score de Rodnan modifié. A S24, la variation du mRSS était en moyenne de -3,92 dans le groupe tocilizumab, et de -1,22 dans le groupe placebo (p=0,0915). Il n’y avait pas non plus de différences significatives sur les scores de qualité de vie. Parmi les patients ayant eu une amélioration du mRSS à S24, il était noté une stabilisation ou une amélioration du mRSS à S48 dans 68% des cas dans le groupe tocilizumab versus 44% dans le groupe placebo.
A S24, la CVF se détériorait de manière plus importante dans le groupe placébo (-171 mL en moyenne) par rapport au groupe tocilizumab (-34mL en moyenne, p=0,0368). Cette différence n’était pas retrouvée de manière significative à S48. A S24, 3% seulement des patients du groupe tocilizumab avaient une diminution de plus de 10% de la CVF, contre 19% dans le groupe placebo. Ces proportions étaient respectivement de 10% et de 23% à S48. Concernant la DLCO, il n’était pas noté de différence significative entre les deux groupes.
L’incidence des effets indésirables graves étaient similaires dans les deux groupes. Il était noté davantage d’effets indésirables graves d’origine infectieuse dans le groupe tocilizumab, alors que les effets indésirables d’ordre cardiaque, digestif et rénal étaient plus fréquents dans le groupe contrôle, possiblement en lien avec la progression de la ScS. Il était rapporté 1 décès dans le groupe placebo (défaillance cardiaque), et 3 dans le groupe tocilizumab (arythmie, défaillance multiviscérale, infection pulmonaire), dont 1 imputé au médicament.
Conclusion :
Cet essai randomisé international ne démontre pas formellement le bénéfice du tocilizumab sur l’amélioration du mRSS dans la ScS diffuse progressive, même si une tendance au ralentissement de la fibrose cutanée se dégage. Outre ses effets jugés encourageants sur l’atteinte cutanée, le tocilizumab semble également ralentir la détérioration de la CVF. Concernant les effets secondaires, le sur-risque infectieux lié au tocilizumab est comparable à ce qui est décrit dans la littérature. Ces données préliminaires nécessitent une confirmation, et un essai randomisé de phase III permettra de préciser l’intérêt du tocilizumab dans la ScS diffuse.