Par les Dr Benjamin THOREAU et Elisabeth DIOT ( Maj Avr 2023 )
Qu’est ce qu’un facteur de risque ?
Un facteur de risque ou facteur prédisposant est un facteur (caractéristique physiologique ou pathologique) qui augmente le risque d’apparition d’une maladie par exemple.
Il existe plusieurs types de facteurs prédisposants, comme certains facteurs environnementaux (exposition à des produits chimiques ou physiques, ou des agents infectieux), ou des facteurs de prédisposition génétiques.
Un exemple commun est le risque de maladie cardiovasculaire associée à des facteurs de risque cardiovasculaires reconnus comme l’hypertension artérielle, le tabagisme, le diabète ou l’hyperlipidémie.
Quels sont les facteurs de risque occupationnels dans la Sclérodermie Systémique ?
Plusieurs expositions toxiques occupationnelles sont rapportées comme facteurs prédisposants au développement d’une sclérodermie systémique. Les trois principaux pour lesquels le lien est clairement établi au cours de la sclérodermie systémique sont l’exposition à la silice cristalline, aux solvants (solvants aromatiques, trichloréthylène, halogénés, cétones) et aux résines époxy.
L’exposition à la silice, est principalement rencontrée chez les patients de sexe masculin atteints de sclérodermie systémique, alors que l’exposition aux solvants aromatiques et aux cétones est principalement rencontrée chez les femmes. Ces associations privilégiées sont secondaires aux postes professionnels occupés, exposants à des toxiques spécifiques.
Les postes professionnels pouvant exposer à ces types de toxiques sont le travail en fonderie, les usines métallurgiques, l’industrie chimique et pétrochimique, les services de nettoyage, l’industrie textile et les travaux de teinture.
Quel est l’impact de ces facteurs de risque occupationnels et quelles sont les mesures à entreprendre ?
Les mécanismes exacts de l’impact de ces facteurs de risque occupationnels sur le développement de la maladie restent encore très mal connus.
Par contre, un certain nombre d’association entre des facteurs de risque occupationnels et des atteintes de la maladie a été démontré. Cela est le cas principalement avec l’exposition à la silice, les solvants, les résines epoxy et le développement d’une fibrose cutanée extensive, d’une fibrose pulmonaire associée à la sclérodermie systémique, d’une dégradation de la fonction respiratoire au cours du temps, et d’une atteinte musculaire (myopathie) associée à la sclérodermie systémique.
La découverte d’une sclérodermie systémique doit faire rechercher ces facteurs de risque occupationnels dans l’histoire de vie actuelle ou antérieure des patients. L’objectif est multiple. Tout d’abord, cela permet d’interrompre si possible l’exposition toxique ou permettre une adaptation du poste de travail. Ensuite, concernant l’exposition à la silice, en fonction d’un certain nombre de critères d’imputabilité, cela peut permettre l’ouverture d’un dossier de maladie professionnelle. Pour finir, cela pourrait inciter à adapter le suivi personnalisé des patients atteints de sclérodermie systémique ayant été ou étant exposés à des facteurs de risque occupationnels reconnus. Lien pour le tableau de déclaration de maladie professionnelle de la silice : ici
Par les Prs Laurent Alric et Grégory Pugnet ( Maj Avr 2023 )
Au cours de la sclérodermie systémique, il peut être observé une atteinte hépatique. En effet, il existe une association rare mais non fortuite entre la sclérodermie systémique et la cholangite biliaire primitive (CBP). La survenue concomitante ou de manière décalée de ces 2 maladies reste rare mais classique. La cholangite biliaire primitive anciennement appelée de manière inappropriée cirrhose biliaire primitive est une maladie qui touche les petites voies biliaires microscopiques.
La date limite de soumission est le 31 mai 2023 à minuit. Le dossier est à retourner au Dr Nathalie Lambert, Présidente du Conseil Scientifique et au Pr Christelle Nguyen, Secrétaire du GFRS.
Par les Dr Alice Bérézné et Elisabeth Diot. Maj 11 Avril 2023
Les symptômes de la SSc sclérodermie systémique retentissent considérablement sur les activités quotidiennes, professionnelles et diminuent la qualité de vie des patients. La fatigue est reconnue comme l’un des plus invalidants.
La fatigue affecte, en effet, de nombreuses facettes de la vie, diminuant la capacité d’effectuer des tâches habituelles du quotidien, de s’occuper de sa famille, de s’engager dans des activités sociales, d’accomplir des tâches professionnelles. Elle peut également être à l’origine de troubles de l’humeur et de syndromes dépressifs réactionnels auxquels votre médecin devra être attentif. Elle va également limiter l’activité physique et peut diminuer la capacité à maintenir son activité professionnelle à l’identique.
La fatigue ne semble pas corrélée avec le type de sclérodermie systémique. La présence d’une atteinte pulmonaire, gastro-intestinal et musculaire sont rapportées comme des facteurs de risque de survenue de fatigue au cours de la maladie.
La fatigue au cours de la sclérodermie systémique reste un symptôme peu spécifique et son apparition brutale, ou l’aggravation d’une fatigue chronique doit faire rechercher une autre cause telle que l’anémie, l’association avec une autre maladie auto-immune, une hypothyroïdie, une infection et parfois un effet secondaire des traitements en cours. Votre médecin peut également refaire le bilan complet de la sclérodermie systémique à la recherche d’une complication de la maladie.
La prise en charge globale de la sclérodermie va forcément entrainer une amélioration de la fatigue. Le contrôle de la douleur, des troubles digestifs va retentir positivement sur l’état général et sur la fatigue.
La fatigue lorsqu’elle est invalidante peut être reconnue comme un handicap et peut être mentionnée dans une demande de dossier MDPH. Cela peut permettre de mettre en place une adaptation du poste de travail, du temps de travail hebdomadaire, des aides à domicile par exemple.
Un patient atteint de sclérodermie systémique doit apprendre à gérer sa fatigue, à connaitre son seuil de fatigabilité. Une prise en charge par un kinésithérapeute et même une réadaptation à l’effort peut être bénéfique. Une aide psychologique peut également être proposer.
Par le Pr Brigitte Granel et le Dr Bernard Imbert. Maj du 11/04/2023
Pourquoi la main est-elle touchée dans cette maladie ? La Sclérodermie est une maladie touchant les vaisseaux de petit calibre et qui conduit à une fibrose exagérée et dérégulée de la peau. L’atteinte de la main au cours de la Sclérodermie est de mécanisme souvent multifactoriel avec des phénomènes vasculaires (syndrome de Raynaud, ulcère ischémique), cutanés (fibrose) et sous-cutanés (calcinose), tendineux et articulaires. Elle est source de gêne au quotidien et s’accompagne fréquemment de phénomènes douloureux
Le patient et les médecins doivent porter une grande attention à l’état des mains car même si cette atteinte ne met pas en jeu le pronostic vital, elle est une importante source de handicap et a un retentissement psycho-social important. Il faut aborder avec le patient le retentissement de l’atteinte de la main sur la vie quotidienne, la gestion de la douleur, le retentissement social et professionnel et sur l’ensemble de sa qualité de vie.
Quels sont les signes ?
– Lephénomène de Raynaud est une constante au cours de la Sclérodermie (99% des cas). C’est un spasme des petits vaisseaux avec arrêt transitoire de la circulation sanguine des extrémités qui affecte les doigts, assez souvent les orteils, plus rarement le nez ou les oreilles et qui évolue par crises. Les crises sont essentiellement déclenchées par le froid (ou les variations thermiques), l’humidité ou les émotions. Le phénomène de Raynaud est souvent inaugural et peut précéder de nombreuses années le diagnostic de la maladie.
La crise évolue en 3 phases qui ne sont cependant pas toujours présentes : une phase blanche qui est la plus constante puis les doigts sont bleus et ensuite au moment où ils se réchauffent ils deviennent rouges. Cette dernière phase est douloureuse.
La durée d’une crise est variable, en général de moins de 30 minutes.
– Concernant la peau, au début les doigts peuvent apparaitre gonflés et boudinés. Puis du fait de la fibrose, la peau s’épaissit et devient moins souple, on parle alors de sclérodactylie.
Dans certains cas, les doigts deviennent effilés avec une peau tendue, fine, fragile et atrophique.
Figure 2 : aspect « en griffe » avec réduction de la mobilité des mains dans une forme sèvère
La mobilité des doigts diminue. A l’extrême, les doigts peuvent rester bloqués en flexion, sans qu’on ne puisse plus les étendre.
Ces aspects ne sont cependant pas constants avec des cas où la gêne est modérée et des cas plus sévères dans lesquels l’atteinte fibrosante est importante avec un défaut d’extension et de fermeture des doigts
Figure 3: ulcère de la pulpe du quatrième doigt
Dans certains cas, des ulcérations douloureuses apparaissent au bout des doigts du fait de l’absence de circulation sanguine dans les petits vaisseaux, qui peuvent dans les cas les plus sévères prendre l’aspect d’une nécrose de l’extrémité du doigt. La cicatrisation des ulcères est longue, entre 1 et 3 mois en moyenne.
– Des calcifications sous-cutanées peuvent aussi être observées, en particulier sur la face palmaire des doigts (10 à 30 % des cas). Elles sont plus fréquentes au niveau de la pulpe de la dernière phalange des doigts. Elles sont fréquemment décelables à l’œil nu, sous la forme de déformations ou de nodules blanchâtres apparaissant immédiatement sous la peau, qui peuvent devenir inflammatoires ou douloureux, pouvant nécessiter un geste chirurgical. Une extrusion spontanée de calcinose peut se produire à travers la peau sous la forme d’une pâte blanche, ou de petits «cailloux». Une ulcération en regard des lésions de calcinose peut survenir et se surinfecter.
Ces calcinoses sont facilement mises en évidence par la radiographie des mains, qui peut montrer également des anomalies osseuses au niveau des dernières phalanges.
Figure 4: Radiographie des doigts montrant des dépôts calciques sous cutanés.
– Les autres éléments cutanés au niveau de la main sont
la présence de télangiectasies qui sont des petites taches rouges dues à la dilatation des petits vaisseaux. Elles sont fréquentes mais n’entrainent pas de gêne fonctionnelle.
Des lésions de dépigmentation, qui peuvent survenir particulièrement chez les patients à peau noire
Figure 5: télangiectasies de la face palmaire des mains.Figure 6 : dépigmentation du dos des mains au cours de la Sclérodermie.
– La main peut être la source de douleurs articulaires (arthralgies) d’origine inflammatoire ou en lien avec la raideur des doigts, des mains et des poignets. Une atteinte inflammatoire de la membrane synoviale (membrane autour de l’articulation) est possible, appelée synovite. Une inflammation des tendons des doigts et/ou des poignets est fréquente, contribuant à une gêne fonctionnelle, pouvant donner une sensation de « crissement tendineux , surtout dans les formes debutantes évolutives de la maladie. À un stade plus tardif, une fibrose des tendons et de leurs gaines peut, associée à l’atteinte cutanée, conduire à la survenue de contractures en flexion des doigts.
Que faire ?
Les mains et les doigts sont à placer sous haute surveillance. Il faut limiter l’apparition du phénomène de Raynaud par la protection vis-à-vis des variations thermiques et du froid (port de gants chauds, chaufferettes et/ou gants chauffants,…). Il convient également de lutter contre la sécheresse cutanée (crèmes) et de se protéger des traumatismes tels que blessures, coupures, piqûres ou autres, qui auront du mal à cicatriser.
Il est important de lutter contre l’enraidissement à l’aide des différentes techniques de rééducation.
Seule une prise en charge globale multidisciplinaire peut permettre d’améliorer la fonction de la main en prenant en compte les atteintes cutanée et vasculaire, tendineuse et articulaire de la main, incluant la rééducation fonctionnelle et l’ergothérapie.
Les techniques de kinésithérapie associant rééducation, port d’attelles la nuit, mobilisation tissulaire et drainage lymphatique manuel, permettent de lutter contre la raideur et la douleur et de préserver la fonctionnalité de la main. L’ergothérapeute aide à adapter les objets de la vie quotidienne en fonction du handicap.
La coopération et le rôle actif du patient lui-même, qui peut être aidé pour mettre en place une auto-kinésithérapie au quotidien et adapter son environnement, sont indispensables pour une prise en charge optimale.
Un dossier peut être déposé auprès de la MDPH (maison départementale du handicap) pour trouver des aides et solutions adaptées aux besoins.
Des médicaments vasodilatateurs pris par voie orale permettent une meilleure circulation sanguine au niveau des doigts. A l’extrême, en cas d’ulcère qui ne guérit pas malgré les mesures locales et les traitements vasodilatateurs oraux, une perfusion d’Iloprost peut améliorer la circulation et la cicatrisation. La perfusion doit être réalisée sur plusieurs jours et doit être faite en milieu hospitalier mais le bénéfice peut se maintenir plusieurs mois.
Par le Dr Benjamin Chaigne et le Pr Brigitte Granel ‘ Maj du 08 Avr 2023’
Comment est la peau dans la sclérodermie systémique ? La peau est le principal organe atteinte de la sclérodermie systémique. En Grec, « sclero » signifie « dur » et « derma » peau. Durant l’évolution de la maladie, la peau s’épaissit et peut devenir dure, impossible à plisser. Dans certains cas, à la phase initiale de la maladie, en particulier dans les formes cutanées diffuses (voir ci-dessous), il existe parfois une période où la peau est le siège d'une réaction inflammatoire. Elle apparaît alors comme gonflée et œdématiée. La peu peut aussi être sèche et démanger (on parle alors de peau « prurigineuse »). L’épaississement de la peau commence fréquemment au niveau des doigts et s’appelle la « sclérodactylie », comme illustré à la Figure ci-dessous. Les doigts peuvent être décrits au début comme « boudinés » par votre médecin, et vous pouvez ressentir des difficultés à enlever les bagues.
Selon l’extension de l’atteinte cutanée au niveau du corps, on différentie les formes où l’atteinte cutanée est diffuse, touchant le tronc et la racine des membres, et des formes où l’atteinte est limitée aux extrémités, ne remontant pas au-dessus des coudes ou des genoux (Figure ci-dessous). L’atteinte cutanée du visage se retrouve autant dans les formes cutanées diffuses et cutanées limitées (lien vers l’atteinte du visage).
Figure : en blanc = peau saine, en gris = peau fibrosée
A forme cutanée limitée, la fibrose cutanée ne remonte pas au-dessus des coudes et des genoux
B forme cutanée diffuse, la fibrose touche le tronc et/ou la partie proximale des membres
Parfois, après une longue évolution de la maladie, la peau peut devenir fine et fragile; on parle alors d’ « atrophie cutanée ». Le volume des doigts diminue et ils apparaissent amincis.
On peut également observer des modifications de la couleur de la peau dans la sclérodermie systémique. On parle d’ « hyperpigmentation » lorsque la couleur de la peau s’accentue (comme un bronzage persistant), ou de « dépigmentation » lorsque la couleur de la peau disparaît (lien vers la figure dans le chapitre de la main ou reprise de la figure).
Indépendamment des lésions de sclérose, de petits vaisseaux tortueux peuvent apparaitre à la surface de la peau. On les appelle « télangiectasies ». Elles correspondent à des dilatations des vaisseaux cutanés et siègent préférentiellement sur les lèvres, dans la bouche, sur le visage et les mains (Figure ci-dessous).
Figure : Télangiectasies des lèvres Enfin, la peau peut-être blessée par la survenue de calcinoses ou d’ulcérations et les patients ont presque tous un phénomène de Raynaud (lien vers le chapitre de la main).
Pourquoi la peau est touchée ? La peau s’épaissit car des cellules, appelées « fibroblastes », ne sont plus régulées et fabriquent trop de collagène (Figure ci-dessous). Les fibroblastes ont normalement un rôle dans la cicatrisation. Ils réparent la peau en fabriquant les fibres de collagène et des protéines de la matrice extra cellulaire dont le rôle est de « maintenir » la structure de la peau. Dans la sclérodermie systémique, l’accumulation en excès de ces fibres de collagène cause l’épaississement et l’enraidissement de la peau : c’est pour cela qu’on parle de fibrose ou de sclérose.
Figure: Fibroblastes observés au microscope
Peut-on avoir une sclérodermie systémique sans fibrose de la peau ? Oui, cela s’appelle une sclérodermie systémique sine scleroderma. Il s’agit d’une forme rare de la maladie dans laquelle il y a une atteinte d’organe (« maladie systémique ») sans (« sine ») atteinte de la peau.
Comment évalue-t-on l’atteinte de la peau ? Lors de la consultation médicale, votre médecin vous demandera si votre peau est modifiée et vous examinera : il regardera votre peau à la recherche de signe de fibrose, des télangiectasies, ou de troubles de la pigmentation. Le médecin pourra s’aider d’un score de fibrose qui nécessite de palper plusieurs sites pour mesurer la fibrose cutanée. Il mesurera l’ensemble de la fibrose de votre corps grâce au score cutané de Rodnan modifié qui évalue 17 régions ; en quottant de 0 à 3 chaque région : 0 pour une peau de texture et d’épaisseur normale, 1 pour une peau épaissie restant plissable, 2 pour une peau épaissie non plissable, 3 pour une peau épaissie et figée sur les plans profonds. Vous pouvez trouver le score cutané de Rodnan modifié sur cette page (lien vers le site). Votre médecin vous demandera aussi d’ouvrir la bouche le plus grand possible afin de mesurer l’ouverture buccale.
Que faire pour votre peau ? Il faut en prendre grand soin et en parler avec votre médecin généraliste et les médecins spécialistes. Ils pourront vous conseiller, vous proposer des crèmes hydratantes (émollientes) et des traitements symptomatiques pour soulager les démangeaisons. Votre médecin spécialiste sera peut-être amené à vous proposer des traitements immunosuppresseurs ou immunomodulateurs qui agissent contre la fibrose cutanée, si celle-ci apparait évolutive. Il pourra aussi vous proposer de participer à des essais cliniques qui visent à évaluer des traitements prometteurs de la maladie.
Une grossesse est envisageable chez une femme atteinte de sclérodermie systémique, mais il est préférable de réaliser une consultation pré-conceptionnelle avec son spécialiste référent avant de tomber enceinte, pour évaluer les risques pour soi, pour l’enfant, les moyens de prévention médicamenteuse possibles et planifier un suivi médical rapproché pendant la grossesse et après l’accouchement.
En effet, une grossesse chez une femme atteinte de sclérodermie systémique est une grossesse à risque, et doit être planifiée et suivie étroitement.
Les risques pour la mère sont en lien avec la sévérité de la sclérodermie systémique.
Si la femme présente une atteinte cardiaque et ou pulmonaire évoluée en lien avec la sclérodermie (HTAP, pneumopathie interstitielle diffuse sévère) avant la grossesse, il lui est déconseillé de tomber enceinte, car il existe un risque d’aggravation de la pathologie cardio-pulmonaire pendant la grossesse, et que les médicaments prescrits, en particulier pour l’HTAP, sont contre-indiqués pendant la grossesse.
La femme atteinte de sclérodermie systémique est également à risque de complications vasculo-placentaires pendant la grossesse. Ces complications, liées à un problème de vascularisation du placenta, se manifestent soit par une pré-éclampsie (apparition d’une hypertension artérielle et de protéines dans les urines chez la mère +/- apparition d’oedèmes, de maux de tête, de flou visuel), soit par un retard de croissance intra-utérin (le fœtus ne grossit pas suffisamment car n’est pas bien alimenté par le placenta malade). La survenue de ces pathologies peut être prévenue par la prise d’aspirine à faible dose (100 mg/j par voie orale), dès la fin du 3e mois de grossesse et jusqu’à 35 semaines d’aménorrhée. Ces pathologies sont fréquentes également en population générale et justifient une mesure de la tension artérielle et une analyse d’urines tous les mois à partir de 20 semaines d’aménorrhée et jusqu’à la fin de la grossesse chez toutes les femmes enceintes. L’échographie obstétricale réalisée à chaque trimestre de grossesse permet d’évaluer la croissance du bébé et de voir si les artères utérines qui vascularisent le placenta fonctionnent bien. Ces échographies seront plus fréquentes qu’en population générale chez la femme enceinte atteinte de sclérodermie systémique, à partir du 2e trimestre de grossesse.
Les formes de sclérodermie systémique les plus à risque pendant la grossesse sont les formes cutanées diffuses (lorsque la sclérose de la peau est présente au-dessus des coudes et/ou au-dessus des genoux), surtout au cours des 5 premières années suivant le diagnostic. Ainsi, les formes de sclérodermie avec une atteinte cutanée limitée sont moins à risque de complications pendant la grossesse.
Avant de débuter une grossesse, votre médecin référent vous proposera une évaluation nutritionnelle et vous proposera si besoin des suppléments vitaminiques et/ou des compléments alimentaires. Il pourra être également nécessaire de fractionner vos repas en plusieurs petits repas pour pouvoir prendre le poids nécessaire pour une bonne croissance de votre bébé, tout en réduisant les symptômes en lien avec le reflux gastrique. Le traitement par inhibiteur de la pompe à protons pourra être majoré si besoin.
Certains médicaments contre-indiqués pendant la grossesse devront être arrêtés et si besoin remplacés avant de tomber enceinte (exemple : méthotrexate, IEC, TRACLEERâ, etc).
Note positive, certains symptômes de la sclérodermie peuvent s’améliorer pendant la grossesse, tels que le phénomène de Raynaud, ou la souplesse de la peau.
La sclérodermie n’est théoriquement transmissible à l’enfant ni par le père ni par la mère. Cependant, vous pouvez transmettre à votre enfant une prédisposition génétique à développer des maladies auto-immunes, qui peuvent aussi bien ne jamais se déclarer.
Khanna D et al, American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine 2022 PMID: 34851799 DOI: 10.1164/rccm.202103-0714OC
Analyse par Magali Lebrun sous la direction de Brigitte Granel
Contexte La sclérodermie systémique (ScS) est une maladie auto-immune rare caractérisée par une fibrose diffuse et des anomalies vasculaires affectant notamment la peau et des poumons. Le taux moyen de mortalité à 10 ans est de 34%, soit le plus élevé parmi les pathologies rhumatologiques, en lien avec la pneumopathie interstitielle diffuse (PID).
Des taux élevés d’Interleukine 6 (IL-6), une cytokine pro-inflammatoire, sont retrouvés chez les patients avec une forme cutanée diffuse ou une PID de la ScS, et sont associés au déclin de la Capacité Vitale Forcée (CVF). Ainsi l’IL-6 serait un facteur clé de la progression de la maladie au stade précoce. Le Tocilizumab est un anticorps monoclonal anti récepteur de l’IL-6 : dans l’essai de phase 2 faSScinate (tocilizumab SC pendant 24 semaines), l’efficacité sur l’amélioration de la fibrose cutanée n’a pas été atteinte mais le groupe tocilizumab bénéficiait d’un ralentissement du déclin de la CVF. Dans l’essai de phase 3 focuSSced, le Tocilizumab n’a pas non plus montré d’amélioration significative du score cutané à 48 semaines (S48), mais une amélioration de la CVF et de la fibrose pulmonaire sur la TDM. Les auteurs rapportent l’efficacité et la sécurité à long terme (S96) du Tocilizumab suite à la période supplémentaire de 48 semaines en ouvert de l’essai focuSSced.
Objectif Les auteurs ont analysé l’efficacité et la sécurité du Tocilizumab à S96 selon le score cutané de fibrose, la variation de CVF et de DLCO, l’évaluation globale de la qualité de vie ainsi que le nombre d’événements indésirables (EI) et d’EI graves pour 100 patients année.
Matériel et méthodes Il s’agit d’une étude multicentrique, randomisée, contrôlée, en double aveugle (jusque S48) puis en ouvert (jusque S96) portant sur des patients adultes en Europe, en Amérique et au Japon. Les patients inclus répondaient aux critères de l’ACR-EULAR 2013 et avaient une atteinte cutanée diffuse, un début de la ScS de moins de 5 ans et un syndrome inflammatoire biologique ; entre 61 et 65 % avaient une PID préexistante. L’étude évaluait l’efficacité et la sécurité à S96 du Tocilizumab par rapport à un placebo, sur la progression des atteintes cutanée (critère principal) et pulmonaire (critère secondaire).
Résultats Parmi les 212 patient inclus dans la phase en double aveugle, 107 ont reçu le placebo et 105 le Tocilizumab. Lors de la phase en ouvert, respectivement 89 et 92 patients de chaque groupe (Placebo puis Tocilizumab = PT, et Tocilizumab continu = TC) ont reçu du Tocilizumab pendant 48 semaines supplémentaires. L’âge moyen et la durée de la maladie étaient de 48 ans et 23 mois. Les patients des 2 groupes présentaient une amélioration comparable du score cutané lors de la phase en ouvert. En revanche, il existait une moindre aggravation de la CVF à S96 chez les patients du groupe TC, notamment ceux avec PID préexistante, par rapport au groupe PT (dans la continuité des résultats à S48). Par ailleurs, le déclin de la CVF observé à S48 chez les patients du groupe PT était freiné à S96 après la prise de Tocilizumab. On ne notait pas de différence de qualité de vie à S96 entre les 2 groupes. Les taux d’EI et EI graves durant la période en ouvert étaient similaires entre les 2 groupes, stables par rapport à la période en aveugle (taux pour 100 années-patients d’EI graves de S48 à S96 de 14,8 pour PT et de 15,8 pour TC).
Le principal EI relié au Tocilizumab était les infections. Six décès survenaient pendant l’essai dont 2 pendant la période en ouvert, reliés au traitement.
Conclusion Chez les patients atteints de SSc précoce et de forme cutanée diffuse, le Tocilizumab n’a pas permis d’améliorer l’atteinte cutanée. En revanche, il a permis de préserver la fonction respiratoire à S48 et S96, y compris chez les patients atteints de PID quelle qu’en soit la sévérité. Il existe également une stabilisation du déclin de la CVF sous Tocilizumab à S96 chez les patients ayant initialement présenté une aggravation à S48 sous placebo. Cette étude montre donc une potentielle efficacité du Tocilizumab sur l’atteinte pulmonaire de la ScS; il est autorisé dans cette indication aux USA, alors qu’en France, il ne peut être envisagé qu’après validation en RCP (utilisation hors AMM).