La main sclérodermique

Par le Pr Brigitte Granel et le Dr Bernard Imbert. Maj du 11/04/2023

Pourquoi la main est-elle touchée dans cette maladie ? La Sclérodermie est une maladie touchant les vaisseaux de petit calibre et qui conduit à une fibrose exagérée et dérégulée de la peau. L’atteinte de la main au cours de la Sclérodermie est de mécanisme souvent multifactoriel avec des phénomènes vasculaires (syndrome de Raynaud, ulcère ischémique), cutanés (fibrose) et sous-cutanés (calcinose), tendineux et articulaires. Elle est source de gêne au quotidien et s’accompagne fréquemment de phénomènes douloureux

Le patient et les médecins doivent porter une grande attention à l’état des mains car même si cette atteinte ne met pas en jeu le pronostic vital, elle est une importante source de handicap et a un retentissement psycho-social important. Il faut aborder avec le patient le retentissement de l’atteinte de la main sur la vie quotidienne, la gestion de la douleur, le retentissement social et professionnel et sur l’ensemble de sa qualité de vie.

Quels sont les signes ?

–           Le phénomène de Raynaud est une constante au cours de la Sclérodermie (99% des cas). C’est un spasme des petits vaisseaux avec arrêt transitoire de la circulation sanguine des extrémités qui affecte les doigts, assez souvent les orteils, plus rarement le nez ou les oreilles et qui évolue par crises. Les crises sont essentiellement déclenchées par le froid (ou les variations thermiques), l’humidité ou les émotions. Le phénomène de Raynaud est souvent inaugural et peut précéder de nombreuses années le diagnostic de la maladie.

La crise évolue en 3 phases qui ne sont cependant pas toujours présentes : une phase blanche qui est la plus constante puis les doigts sont bleus et ensuite au moment où ils se réchauffent ils deviennent rouges. Cette dernière phase est douloureuse.

La durée d’une crise est variable, en général de moins de 30 minutes.

– Concernant la peau, au début les doigts peuvent apparaitre gonflés et boudinés. Puis du fait de la fibrose, la peau s’épaissit et devient moins souple, on parle alors de sclérodactylie.

Dans certains cas, les doigts deviennent effilés avec une peau tendue, fine, fragile et atrophique.

Figure 2 : aspect « en griffe » avec réduction de la mobilité des mains dans une forme sèvère

La mobilité des doigts diminue. A l’extrême, les doigts peuvent rester bloqués en flexion, sans qu’on ne puisse plus les étendre.

Ces aspects ne sont cependant pas constants avec des cas où la gêne est modérée et des cas plus sévères dans lesquels l’atteinte fibrosante est importante avec un défaut d’extension et de fermeture des doigts

Figure 3: ulcère de la pulpe du quatrième doigt

Dans certains cas, des ulcérations douloureuses apparaissent au bout des doigts du fait de l’absence de circulation sanguine dans les petits vaisseaux, qui peuvent dans les cas les plus sévères prendre l’aspect d’une nécrose de l’extrémité du doigt. La cicatrisation des ulcères est longue, entre 1 et 3 mois en moyenne.  

– Des calcifications sous-cutanées peuvent aussi être observées, en particulier sur la face palmaire des doigts (10 à 30 % des cas). Elles sont plus fréquentes au niveau de la pulpe de la dernière phalange des doigts. Elles sont fréquemment décelables à l’œil nu, sous la forme de déformations ou de nodules blanchâtres apparaissant immédiatement sous la peau, qui peuvent devenir inflammatoires ou douloureux, pouvant nécessiter un geste chirurgical. Une extrusion spontanée de calcinose peut se produire à travers la peau sous la forme d’une pâte blanche, ou de petits «cailloux». Une ulcération en regard des lésions de calcinose peut survenir et se surinfecter.

Ces calcinoses sont facilement mises en évidence par la radiographie des mains, qui peut montrer également des anomalies osseuses au niveau des dernières phalanges.

Figure 4: Radiographie des doigts montrant des dépôts calciques sous cutanés.

– Les autres éléments cutanés au niveau de la main sont

  • la présence de télangiectasies qui sont des petites taches rouges dues à la dilatation des petits vaisseaux. Elles sont fréquentes mais n’entrainent pas de gêne fonctionnelle.
  • Des lésions de dépigmentation, qui peuvent survenir particulièrement chez les patients à peau noire
Figure 5: télangiectasies de la face palmaire des mains.
Figure 6 : dépigmentation du dos des mains au cours de la Sclérodermie.

– La main peut être la source de douleurs articulaires (arthralgies) d’origine inflammatoire ou en lien avec la raideur des doigts, des mains et des poignets. Une atteinte inflammatoire de la membrane synoviale (membrane autour de l’articulation) est possible, appelée synovite. Une inflammation des tendons des doigts et/ou des poignets est fréquente, contribuant à une gêne fonctionnelle, pouvant donner une sensation de « crissement tendineux , surtout dans les formes debutantes évolutives de la maladie. À un stade plus tardif, une fibrose des tendons et de leurs gaines peut, associée à l’atteinte cutanée, conduire à la survenue de contractures en flexion des doigts.

Que faire ?

Les mains et les doigts sont à placer sous haute surveillance. Il faut limiter l’apparition du phénomène de Raynaud par la protection vis-à-vis des variations thermiques et du froid (port de gants chauds, chaufferettes et/ou gants chauffants,…). Il convient également de lutter contre la sécheresse cutanée (crèmes) et de se protéger des traumatismes tels que blessures, coupures, piqûres ou autres, qui auront du mal à cicatriser.

Il est important de lutter contre l’enraidissement à l’aide des différentes techniques de rééducation.

Seule une prise en charge globale multidisciplinaire peut permettre d’améliorer la fonction de la main en prenant en compte les atteintes cutanée et vasculaire, tendineuse et articulaire de la main, incluant la rééducation fonctionnelle et l’ergothérapie.

Les techniques de kinésithérapie associant rééducation, port d’attelles la nuit, mobilisation tissulaire et drainage lymphatique manuel, permettent de lutter contre la raideur et la douleur et de préserver la fonctionnalité de la main. L’ergothérapeute aide à adapter les objets de la vie quotidienne en fonction du handicap.

La coopération et le rôle actif du patient lui-même, qui peut être aidé pour mettre en place une auto-kinésithérapie au quotidien et adapter son environnement, sont indispensables pour une prise en charge optimale.

Un dossier peut être déposé auprès de la MDPH (maison départementale du handicap) pour trouver des aides et solutions adaptées aux besoins.

Des médicaments vasodilatateurs pris par voie orale permettent une meilleure circulation sanguine au niveau des doigts. A l’extrême, en cas d’ulcère qui ne guérit pas malgré les mesures locales et les traitements vasodilatateurs oraux, une perfusion d’Iloprost peut améliorer la circulation et la cicatrisation. La perfusion doit être réalisée sur plusieurs jours et doit être faite en milieu hospitalier mais le bénéfice peut se maintenir plusieurs mois.

La peau dans la sclérodermie systémique

Par le Dr Benjamin Chaigne et le Pr Brigitte Granel ‘ Maj du 08 Avr 2023’

Comment est la peau dans la sclérodermie systémique ?
La peau est le principal organe atteinte de la sclérodermie systémique. En Grec, « sclero »
signifie « dur » et « derma » peau.
Durant l’évolution de la maladie, la peau s’épaissit et peut devenir dure, impossible à plisser.
Dans certains cas, à la phase initiale de la maladie, en particulier dans les formes cutanées
diffuses (voir ci-dessous), il existe parfois une période où la peau est le siège d'une réaction
inflammatoire. Elle apparaît alors comme gonflée et œdématiée.
La peu peut aussi être sèche et démanger (on parle alors de peau « prurigineuse »).
L’épaississement de la peau commence fréquemment au niveau des doigts et s’appelle la
« sclérodactylie », comme illustré à la Figure ci-dessous. Les doigts peuvent être décrits au
début comme « boudinés » par votre médecin, et vous pouvez ressentir des difficultés à
enlever les bagues.

Selon l’extension de l’atteinte cutanée au niveau du corps, on différentie les formes où
l’atteinte cutanée est diffuse, touchant le tronc et la racine des membres, et des formes où
l’atteinte est limitée aux extrémités, ne remontant pas au-dessus des coudes ou des genoux
(Figure ci-dessous).
L’atteinte cutanée du visage se retrouve autant dans les formes cutanées diffuses et cutanées
limitées (lien vers l’atteinte du visage).

Figure : en blanc = peau saine, en gris = peau fibrosée

  • A forme cutanée limitée, la fibrose cutanée ne remonte pas au-dessus des coudes et des genoux
  • B forme cutanée diffuse, la fibrose touche le tronc et/ou la partie proximale des membres

Parfois, après une longue évolution de la maladie, la peau peut devenir fine et fragile; on parle
alors d’ « atrophie cutanée ». Le volume des doigts diminue et ils apparaissent amincis.

On peut également observer des modifications de la couleur de la peau dans la sclérodermie
systémique. On parle d’ « hyperpigmentation » lorsque la couleur de la peau s’accentue
(comme un bronzage persistant), ou de « dépigmentation » lorsque la couleur de la peau
disparaît (lien vers la figure dans le chapitre de la main ou reprise de la figure).

Indépendamment des lésions de sclérose, de petits vaisseaux tortueux peuvent apparaitre à la
surface de la peau. On les appelle « télangiectasies ». Elles correspondent à des dilatations des
vaisseaux cutanés et siègent préférentiellement sur les lèvres, dans la bouche, sur le visage et
les mains (Figure ci-dessous).

Figure : Télangiectasies des lèvres
Enfin, la peau peut-être blessée par la survenue de calcinoses ou d’ulcérations et les patients
ont presque tous un phénomène de Raynaud (lien vers le chapitre de la main).

Pourquoi la peau est touchée ?
La peau s’épaissit car des cellules, appelées « fibroblastes », ne sont plus régulées et
fabriquent trop de collagène (Figure ci-dessous). Les fibroblastes ont normalement un rôle
dans la cicatrisation. Ils réparent la peau en fabriquant les fibres de collagène et des protéines
de la matrice extra cellulaire dont le rôle est de « maintenir » la structure de la peau. Dans la
sclérodermie systémique, l’accumulation en excès de ces fibres de collagène cause
l’épaississement et l’enraidissement de la peau : c’est pour cela qu’on parle de fibrose ou de
sclérose.

Figure: Fibroblastes observés au microscope

Peut-on avoir une sclérodermie systémique sans fibrose de la peau ?
Oui, cela s’appelle une sclérodermie systémique sine scleroderma. Il s’agit d’une forme rare
de la maladie dans laquelle il y a une atteinte d’organe (« maladie systémique ») sans
(« sine ») atteinte de la peau.


Comment évalue-t-on l’atteinte de la peau ?
Lors de la consultation médicale, votre médecin vous demandera si votre peau est modifiée et
vous examinera : il regardera votre peau à la recherche de signe de fibrose, des
télangiectasies, ou de troubles de la pigmentation. Le médecin pourra s’aider d’un score de
fibrose qui nécessite de palper plusieurs sites pour mesurer la fibrose cutanée.
Il mesurera l’ensemble de la fibrose de votre corps grâce au score cutané de Rodnan modifié
qui évalue 17 régions ; en quottant de 0 à 3 chaque région : 0 pour une peau de texture et
d’épaisseur normale, 1 pour une peau épaissie restant plissable, 2 pour une peau épaissie non
plissable, 3 pour une peau épaissie et figée sur les plans profonds. Vous pouvez trouver le
score cutané de Rodnan modifié sur cette page (lien vers le site). Votre médecin vous
demandera aussi d’ouvrir la bouche le plus grand possible afin de mesurer l’ouverture
buccale.

Que faire pour votre peau ?
Il faut en prendre grand soin et en parler avec votre médecin généraliste et les médecins
spécialistes. Ils pourront vous conseiller, vous proposer des crèmes hydratantes (émollientes)
et des traitements symptomatiques pour soulager les démangeaisons. Votre médecin
spécialiste sera peut-être amené à vous proposer des traitements immunosuppresseurs ou
immunomodulateurs qui agissent contre la fibrose cutanée, si celle-ci apparait évolutive. Il
pourra aussi vous proposer de participer à des essais cliniques qui visent à évaluer des
traitements prometteurs de la maladie.

La grossesse chez la femme sclérodermique

Par le Dr Claire De Moreuil ( Maj 01 Avr 2023)

Une grossesse est envisageable chez une femme atteinte de sclérodermie systémique, mais il est préférable de réaliser une consultation pré-conceptionnelle avec son spécialiste référent avant de tomber enceinte, pour évaluer les risques pour soi, pour l’enfant, les moyens de prévention médicamenteuse possibles et planifier un suivi médical rapproché pendant la grossesse et après l’accouchement.

En effet, une grossesse chez une femme atteinte de sclérodermie systémique est une grossesse à risque, et doit être planifiée et suivie étroitement.

Les risques pour la mère sont en lien avec la sévérité de la sclérodermie systémique.

Si la femme présente une atteinte cardiaque et ou pulmonaire évoluée en lien avec la sclérodermie (HTAP, pneumopathie interstitielle diffuse sévère) avant la grossesse, il lui est déconseillé de tomber enceinte, car il existe un risque d’aggravation de la pathologie cardio-pulmonaire pendant la grossesse, et que les médicaments prescrits, en particulier pour l’HTAP, sont contre-indiqués pendant la grossesse.

La femme atteinte de sclérodermie systémique est également à risque de complications vasculo-placentaires pendant la grossesse. Ces complications, liées à un problème de vascularisation du placenta, se manifestent soit par une pré-éclampsie (apparition d’une hypertension artérielle et de protéines dans les urines chez la mère +/- apparition d’oedèmes, de maux de tête, de flou visuel), soit par un retard de croissance intra-utérin (le fœtus ne grossit pas suffisamment car n’est pas bien alimenté par le placenta malade). La survenue de ces pathologies peut être prévenue par la prise d’aspirine à faible dose (100 mg/j par voie orale), dès la fin du 3e mois de grossesse et jusqu’à 35 semaines d’aménorrhée. Ces pathologies sont fréquentes également en population générale et justifient une mesure de la tension artérielle et une analyse d’urines tous les mois à partir de 20 semaines d’aménorrhée et jusqu’à la fin de la grossesse chez toutes les femmes enceintes. L’échographie obstétricale réalisée à chaque trimestre de grossesse permet d’évaluer la croissance du bébé et de voir si les artères utérines qui vascularisent le placenta fonctionnent bien. Ces échographies seront plus fréquentes qu’en population générale chez la femme enceinte atteinte de sclérodermie systémique, à partir du 2e trimestre de grossesse. 

Les formes de sclérodermie systémique les plus à risque pendant la grossesse sont les formes cutanées diffuses (lorsque la sclérose de la peau est présente au-dessus des coudes et/ou au-dessus des genoux), surtout au cours des 5 premières années suivant le diagnostic. Ainsi, les formes de sclérodermie avec une atteinte cutanée limitée sont moins à risque de complications pendant la grossesse.

Avant de débuter une grossesse, votre médecin référent vous proposera une évaluation nutritionnelle et vous proposera si besoin des suppléments vitaminiques et/ou des compléments alimentaires. Il pourra être également nécessaire de fractionner vos repas en plusieurs petits repas pour pouvoir prendre le poids nécessaire pour une bonne croissance de votre bébé, tout en réduisant les symptômes en lien avec le reflux gastrique. Le traitement par inhibiteur de la pompe à protons pourra être majoré si besoin.

Certains médicaments contre-indiqués pendant la grossesse devront être arrêtés et si besoin remplacés avant de tomber enceinte (exemple : méthotrexate, IEC, TRACLEERâ, etc).

Note positive, certains symptômes de la sclérodermie peuvent s’améliorer pendant la grossesse, tels que le phénomène de Raynaud, ou la souplesse de la peau.

La sclérodermie n’est théoriquement transmissible à l’enfant ni par le père ni par la mère. Cependant, vous pouvez transmettre à votre enfant une prédisposition génétique à développer des maladies auto-immunes, qui peuvent aussi bien ne jamais se déclarer.

Efficacité et sécurité à long terme du Tocilizumab dans la pneumopathie interstitielle diffuse précoce de la Sclérodermie Systémique

Khanna D et al, American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine 2022 PMID: 34851799 DOI: 10.1164/rccm.202103-0714OC

Analyse par Magali Lebrun sous la direction de Brigitte Granel

Contexte
La sclérodermie systémique (ScS) est une maladie auto-immune rare caractérisée par une fibrose diffuse et des anomalies vasculaires affectant notamment la peau et des poumons. Le taux moyen de mortalité à 10 ans est de 34%, soit le plus élevé parmi les pathologies rhumatologiques, en lien avec la pneumopathie interstitielle diffuse (PID).

Des taux élevés d’Interleukine 6 (IL-6), une cytokine pro-inflammatoire, sont retrouvés chez les patients avec une forme cutanée diffuse ou une PID de la ScS, et sont associés au déclin de la Capacité Vitale Forcée (CVF). Ainsi l’IL-6 serait un facteur clé de la progression de la maladie au stade précoce.
Le Tocilizumab est un anticorps monoclonal anti récepteur de l’IL-6 : dans l’essai de phase 2 faSScinate (tocilizumab SC pendant 24 semaines), l’efficacité sur l’amélioration de la fibrose cutanée n’a pas été atteinte mais le groupe tocilizumab bénéficiait d’un ralentissement du déclin de la CVF. Dans l’essai de phase 3 focuSSced, le Tocilizumab n’a pas non plus montré d’amélioration significative du score cutané à 48 semaines (S48), mais une amélioration de la CVF et de la fibrose pulmonaire sur la TDM. Les auteurs rapportent l’efficacité et la sécurité à long terme (S96)  du Tocilizumab suite à la période supplémentaire de 48 semaines en ouvert de l’essai focuSSced.

Objectif
Les auteurs ont analysé l’efficacité et la sécurité du Tocilizumab à S96 selon le score cutané de fibrose, la variation de CVF et de DLCO, l’évaluation globale de la qualité de vie ainsi que le nombre d’événements indésirables (EI) et d’EI graves pour 100 patients année.

Matériel et méthodes
Il s’agit d’une étude multicentrique, randomisée, contrôlée, en double aveugle (jusque S48) puis en ouvert (jusque S96) portant sur des patients adultes en Europe, en Amérique et au Japon.
Les patients inclus répondaient aux critères de l’ACR-EULAR 2013 et avaient une atteinte cutanée diffuse, un début de la ScS de moins de 5 ans et un syndrome inflammatoire biologique ; entre 61 et 65 % avaient une PID préexistante.
L’étude évaluait l’efficacité et la sécurité à S96 du Tocilizumab par rapport à un placebo, sur la progression des atteintes cutanée (critère principal) et pulmonaire (critère secondaire).

Résultats 
Parmi les 212 patient inclus dans la phase en double aveugle, 107 ont reçu le placebo et 105 le Tocilizumab. Lors de la phase en ouvert, respectivement 89 et 92 patients de chaque groupe (Placebo puis Tocilizumab = PT, et Tocilizumab continu = TC) ont reçu du Tocilizumab pendant 48 semaines supplémentaires. L’âge moyen et la durée de la maladie étaient de 48 ans et 23 mois.
Les patients des 2 groupes présentaient une amélioration comparable du score cutané lors de la phase en ouvert.
En revanche, il existait une moindre aggravation de la CVF à S96 chez les patients du groupe TC, notamment ceux avec PID préexistante, par rapport au groupe PT (dans la continuité des résultats à S48). Par ailleurs, le déclin de la CVF observé à S48 chez les patients du groupe PT était freiné à S96 après la prise de Tocilizumab.
On ne notait pas de différence de qualité de vie à S96 entre les 2 groupes.
Les taux d’EI et EI graves durant la période en ouvert étaient similaires entre les 2 groupes, stables par rapport à la période en aveugle (taux pour 100 années-patients d’EI graves de S48 à S96 de 14,8 pour PT et de 15,8 pour TC).

Le principal EI relié au Tocilizumab était les infections. Six décès survenaient pendant l’essai dont 2 pendant la période en ouvert, reliés au traitement.

Conclusion
Chez les patients atteints de SSc précoce et de forme cutanée diffuse, le Tocilizumab n’a pas permis d’améliorer l’atteinte cutanée. En revanche, il a permis de préserver la fonction respiratoire à S48 et S96, y compris chez les patients atteints de PID quelle qu’en soit la sévérité. Il existe également une stabilisation du déclin de la CVF sous Tocilizumab à S96 chez les patients ayant initialement présenté une aggravation à S48 sous placebo.
Cette étude montre donc une potentielle efficacité du Tocilizumab sur l’atteinte pulmonaire de la ScS; il est autorisé dans cette indication aux USA, alors qu’en France, il ne peut être envisagé qu’après validation en RCP (utilisation hors AMM).

Les manifestations pulmonaires dans la sclérodermie systémique 

Par les Pr Yurdagul Uzunhan et David launay. Maj 20 Mars 2023

L’atteinte pulmonaire constitue une des atteintes viscérales les plus importantes de la sclérodermie systémique. Il s’agit d’une pneumopathie interstitielle diffuse le plus souvent fibrosante. L’atteinte concerne ainsi le poumon profond et va conduire à une altération des échanges gazeux responsable à terme d’une insuffisance respiratoire chronique.

Cette atteinte est fréquente et concerne 40 à 60% des patients. Elle contribue à la mortalité des patients et impose une attention particulière visant à la détecter et à la prendre en charge de façon adaptée.

L’interrogatoire du patient est essentiel pour rechercher des symptômes comme un essoufflement (dyspnée) à l’effort, une toux le plus souvent sèche, une fatigue qui peut être la conséquence de cette atteinte pulmonaire.

Les examens utiles au diagnostic sont la radiographie du thorax, le scanner du thorax en haute résolution, les explorations fonctionnelles respiratoires et le test de marche des 6 minutes.  L’échographie cardiaque est également utile pour dépister une hypertension pulmonaire.

Les éléments du traitement :

Il est important de veiller à limiter l’exposition à des pneumotoxiques comme le tabac (proposer systématiquement un sevrage tabagique) et porter une attention particulièrement aux expositions professionnelles (silice, solvants).

Une vaccination contre les germes responsables d’infections respiratoires est recommandée (vaccin anti-COVID19, vaccin anti-pneumococcique, vaccin anti-grippal).

Le maintien de l’activité physique régulière est également conseillé.

Une oxygénothérapie de déambulation peut être proposée selon les résultats du test de marche de 6 minutes.

Le traitement médicamenteux vise à contrôler la maladie inflammatoire et comporte des immunosuppresseurs (mycophenolate mofetil en 1ère intention ou cyclophosphamide). Les anti-fibrosants peuvent être proposés pour freiner le déclin de la fonction respiratoire. En particulier le nintedanib a obtenu une AMM pour le traitement de la pneumopathie interstitielle diffuse associée à la sclérodermie systémique. Les biothérapies comme le tocilizumab et le rituximab sont des options thérapeutiques à discuter au cas par cas en réunion de concertation pluridisciplinaire comme indiqué dans le PNDS Sclérodermie systémique mis à jour en 2022. La transplantation pulmonaire est une procédure parfois envisagée dans les formes pulmonaires évoluées malgré un traitement bien conduit. Ce projet discuté avant l’âge de 65 ans nécessite un bilan précis des complications pour rechercher d’éventuelles contre-indications, telle une atteinte digestive sévère et non contrôlée.

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Liste des essais cliniques / Appels à observation

Nous sommes très heureux de vous faire parvenir la liste des essais cliniques / appels à observation soutenus par le GFRS

Essais cliniques

SCLERITA : Essai de phase II évaluant un inhibiteur de JAK, l’itacitinib dans la Sclérodermie Systémique.

Contact : Dr. Benjamin Chaigne benjamin.chaigne@aphp.fr;

Appels à Observation

SCLEROTRANSPLANT : Transplantation cardiaque en traitement de l’atteinte cardiaque primitive de la sclérodermie systémique en France

Contacts: Dr. Arthur Renaud arthur.renaud49@gmail.com et Pr. Christian Agard christian.agard@chu-nantes.fr;

SCLEROJAKI : Etude non interventionnelle sur données pré-existantes pour évaluer l’efficacité des inhibiteurs de JAK au cours des PID associées à la sclérodermie systémique

Contact: Dr. Paul Decker p.decker@chru-nancy.fr

SCLEROVID: Exacerbation aiguë de fibrose pulmonaire contemporaine / dans les suites d’une infection à SARS-CoV-2 au cours de la sclérodermie systémique: étude rétrospective française

Contact: Dr. Benjamin Thoreau benjamin.thoreau@aphp.fr;

FEOTOX : État des lieux de la prise en charge des patients développant / aggravant une fasciite avec éosinophiles sous immunothérapie anti-cancéreuse

Contact : Dr. Benjamin Chaigne benjamin.chaigne@aphp.fr;

SCLEROTOX : État des lieux de la prise en charge des patients développant une sclérodermie systémique de novo sous immunothérapie anti-cancéreuse

Contact : Dr. Benjamin Chaigne benjamin.chaigne@aphp.fr;

SCLEROANTIFIBROTIC: Etude nationale multicentrique sur l’utilisation des antifibrosants en vie réelle dans la pneumopathie interstitielle diffuse liée à la sclérodermie systémique

Contacts: Pr. David Launay, Pr. Yurdagul Uzunhan, Dr Vincent Koether, david.launay@chru-lille.fr;yurdagul.uzunhan@aphp.fr; vincent.koether@univ-lille.fr

MYCRISS : Evaluation de l’association rituximab-mycophenolate mofetil dans la sclérodermie systémique : une étude rétrospective Française multicentrique

Contacts: Dr François Barde et Dr. Benjamin Chaigne : francois.barde@aphp.fr; benjamin.chaigne@aphp.fr;

N’hésitez pas à contacter les investigateurs pour toute question et/ou discuter/partager sur ces essais cliniques et appels à observation.

10Eme journée du GFRS

Le Groupe Francophone de Recherche sur la Sclérodermie (GFRS) a le plaisir de vous annoncer la poursuite de son cycle de conférences en ligne trimestrielles. La 10ème conférence en ligne du GFRS aura lieu le jeudi 23 mars 2023 de 13h à 14h. Le GFRS aura l’honneur d’accueillir le Pr. Éric Hachulla, enseignant et chercheur à l’Université de Lille et spécialiste en médecine interne au CHU de Lille et le Pr. Olivier SITBON, enseignant et chercheur à l’Université Paris-Saclay et spécialiste en pneumologie au CHU du Kremlin-Bicêtre. Les Prs. HACHULLA et SITBON nous présenteront les travaux et l’expérience de leur équipe concernant :

L’HTAP : dépistage et traitement dans la sclérodermie systémique”


La conférence aura lieu sur Zoom : 

https://u-paris.zoom.us/j/88477828026?pwd=cnJBZkRrZi8vb3Vvd2tpQjM5UHhMdz09

L’inscription à la conférence est gratuite : 

https://forms.gle/ioNtWvYzye9LK7iR8

Sclérodermie: Que pouvez vous faire?

Mise à jour du 16 Mars 2023. Pr Christian Agard et Pr Luc Mouthon

On vient de poser chez vous le diagnostic de sclérodermie systémique.

Que pouvez-vous faire ?

Demandez des explications et des précisions au médecin qui a posé le diagnostic et/ou au spécialiste de la sclérodermie systémique qui vous prend en charge. Votre cas est unique, les formes de sclérodermie systémique sont multiples et très variables d’un patient à l’autre, seul votre médecin peut vous expliquer le type de votre maladie, son pronostic et les traitements qui vous sont prescrits. N’hésitez pas à lister vos différentes questions.

Sachez que les cas graves de sclérodermie systémiques sont rares, environ 15% des cas. La sclérodermie systémique cutanée diffuse est souvent plus grave que la sclérodermie systémique cutanée limitée, car les atteintes viscérales sont plus fréquentes et plus sévères. La majorité des patients, au moins 70%, ont une sclérodermie systémique cutanée limitée. Les formes graves sont généralement dues à une atteinte pulmonaire, qu’il s’agisse d’une pneumopathie interstitielle diffuse (PID), appelée également fibrose pulmonaire, ou d’une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). La PID est souvent d’évolution lente ; elle peut se stabiliser, notamment quand elle est traitée. Dans 15% des cas, la PID est sévère, avec un risque d’évolution vers l’insuffisance respiratoire. Il est important que vous fassiez régulièrement le point avec votre médecin spécialiste référent pour savoir si vous êtes concerné(e)s par ces complications.

Vous pouvez contacter l’Association des Sclérodermiques de France (ASF) sur www.association-sclerodermie.fr. Vous y rencontrerez d’autres patients ainsi que leurs proches. Certains seront plus malades que vous, d’autres moins, mais tous vivent avec la sclérodermie systémique depuis longtemps. Vous y trouverez écoute, conseils, voire amitié et vous participerez à la lutte contre cette maladie. Comme le GFRS, cette association recueille des fonds pour financer des protocoles de recherche sur la sclérodermie systémique.

Arrêtez de fumer +++ car la sclérodermie systémique est aussi une maladie qui touche les vaisseaux sanguins. La nicotine contenue dans le tabac entraine une vasoconstriction. Attention, si vous ne fumez plus mais que vous utilisez la cigarette électronique, la nicotine est également présente et va entrainer une vasoconstriction. Il faut progressivement diminuer le taux de nicotine dans la vaporette. La consommation de cannabis est également très déconseillée. Le tabac et le cannabis sont des facteurs aggravant le phénomène de Raynaud et peuvent majorer le risque de survenue de plaies des doigts. Votre médecin pourra vous aider à vous sevrer.

Adaptez votre mode de vie : organisez-vous pour avoir suffisamment de temps de repos mais aussi de temps pour un exercice physique adapté à vos possibilités. Aucun régime alimentaire n’a d’effet sur la sclérodermie systémique mais il est évident qu’une alimentation équilibrée, apportant vitamines et oligo-éléments vous fera du bien comme à tout le monde. Si vous avez des troubles digestifs, le meilleur traitement sera d’adapter votre façon de manger selon les conseils de votre médecin. La vidange de l’estomac est souvent lente dans la sclérodermie systémique, et il ne faut pas hésiter à limiter le déjeuner a un seul plat et prendre une collation dans l’après-midi (goûter).

Préservez votre capital musculaire et vos articulations : marche, kinésithérapie +++. Autant que possible il faut maintenir une activité physique. Des auto-exercices quotidiens sont bénéfiques, notamment pour entretenir les mobilités articulaires des doigts et des mains, souvent impactées par la maladie.

Protégez-vous du froid, écharpes (couvrir la région du décolleté), chapeau, vêtements longs et chauds, gants +++ éventuellement doublés de gants en soie sous les gants de ville, afin de limiter les accès de phénomène de Raynaud.

Ne prenez pas de médicament sans avis médical ; certains médicaments comme les béta-bloquants, les anti-migraineux comme les dérivés de l’ergot de seigle ou les collutoires (sprays contenant des vasoconstricteurs prescrits en cas d’écoulement nasal en période hivernale) sont contre-indiqués car ils favorisent la contraction des vaisseaux et aggravent le phénomène de Raynaud.

Vous passez une période difficile de votre vie, essayez de ne pas vous replier sur vous-même. Parler de votre angoisse, de votre révolte et de vos soucis vous fera du bien. Vous avez besoin de l’aide de vos proches. Si vous n’y arrivez pas seul(e), demandez un soutien psychologique pour vous et éventuellement pour votre famille.

Le visage de la sclérodermie

Par le Dr Audrey Benyamine: Maj du 07 Mars 2023

Comment le visage peut-il être touché dans cette maladie ?

Les changements esthétiques, le handicap lié à l’atteinte buccale, et l’altération de l’image de soi concernent presque tous les patients atteints de Sclérodermie.

Lire la suite : Le visage de la sclérodermie

L’atteinte du visage liée à la sclérose de la peau est caractéristique :

-Les autres modifications pouvant être observées sont :

  • les télangiectasies qui sont des petites taches rouges dues à la dilatation des petits vaisseaux au niveau de la face, des lèvres et de l’intérieur de la bouche
Img 3 et 4 : Télangiectasies au niveau de la langue et du visage
  • -les modifications de pigmentation à type de dépigmentation et d’hyperpigmentation
Img 5 : Dépigmentation du pourtour des lèvres
  • -l’amincissement des lèvres et la réduction de la largeur buccale (microchéilie) et de l’ouverture buccale (microstomie)
Img 6 et 7 : Limitation de l’ouverture buccale
  • La sécheresse de la peau et muqueuse avec le syndrome sec oculaire et salivaire
  • Les atteintes osseuses et articulaires de la mâchoire à l’origine de douleurs.

Ces modifications interfèrent avec l’alimentation, la parole et sont à l’origine de problèmes bucco-dentaires, fréquents chez les patients atteints de Sclérodermie (lien vers la bouche de la sclérodermie systémique).

Comment évalue-t-on l’atteinte du visage ?

Le médecin évalue la fibrose du visage tout comme celle du corps par le score de Rodnan (lien vers le site).

Il suit l’évolution de l’ouverture buccale en mesurant la distance entre les incisives du haut et celles du bas, ou entre les lèvres.

Le score de MHISS (Mouth Handicap In Systemic Sclerosis) s’utilise dans les études pour évaluer le retentissement de l’atteinte de la bouche et évaluer l’efficacité des traitements dans les études cliniques. Le questionnaire BoFA (Burden of Face Affected) est un auto-questionnaire récemment élaboré afin d’apprécier le retentissement de l’atteinte du visage et le handicap ressenti chez les patients atteints de sclérodermie

Que faire pour l’atteinte du visage ?

Pour lutter contre la sècheresse de la peau, il est recommandé de l’hydrater avec des crèmes émollientes conseillées par votre médecin et la protéger du soleil.

Le maquillage correcteur peut aider à dissimuler les télangiectasies. Certains programmes d’Education Thérapeutique Patient (ETP) proposent des ateliers dédiés. Le laser peut être proposé dans un deuxième temps mais son effet est généralement temporaire.

Une aide psychologique peut être nécessaire pour accepter cette nouvelle image de soi

Pour le syndrome sec oculaire, des larmes artificielles peuvent être utilisées et pour le syndrome sec salivaire des substituts salivaires ou des médicaments stimulant la sécrétion salivaire. On peut diminuer la gêne liée à l’atteinte buccofaciale grâce à la prévention buccodentaire et à la kinésithérapie maxillo-faciale à débuter précocement avec des exercices quotidiens (lien vers la bouche de la sclérodermie systémique)

SCLEROTRANSPLANT

Nous lançons un appel à observations pour une étude observationnelle rétrospective, nationale collaborative via le GFRS, qui s’intitulerait :

Transplantation cardiaque en traitement de l’atteinte cardiaque primitive de la sclérodermie systémique (SCLEROTRANSPLANT) en France

Les objectifs de cette étude sont :

– De décrire les patients ScS ayant eu une transplantation cardiaque

– D’analyse le processus de sélection des candidats à la greffe

– De décrire l’évolution des patients ScS greffés coeur

Les critères d’inclusion sont :

– Diagnostic de ScS selon les critères de classification ACR/EULAR 2013

– Atteinte cardiaque primitive de la ScS traitée par greffe de coeur seule

– Données de suivi disponibles à au moins 1 an post-greffe (sauf décès)

Un 1er appel à observation avait été réalisé en 2013, ayant permis d’identifier 9 patients et patientes, mais l’étude a été suspendue. Il est donc possible que des patients et patientes transplantées avant 2013 soient déjà inclus.

Si vous souhaitez participer à cette étude, nous vous prions de remplir la fiche de recueil et de l’envoyer par mail à arthur.renaud@chu-nantes.fr ou à christian.agard@chu-nantes.fr. Vous pouvez également directement prendre contact avec l’un de nous pour toute information complémentaire.

Merci d’avance pour votre contribution.

Arthur Renaud

Chef de Clinique – Assistant des Hôpitaux

Service de Médecine Interne – CHU Nantes”

CRF_SCLEROTRANSPLANT68908

Appel_Observation_SCLEROTRANSPLANT68910